Hollande chez Drucker : comme Peter Sellers dans The Party ?

Dimanche dernier, 18 heures, France 2. Après une publicité pour rideaux de vérandas, cette annonce : "Et maintenant, votre divertissement !" Le « divertissement » en question, c’est la grande rentrée politique de François Hollande chez Michel Drucker. Pourquoi Michel Drucker ? Parce que Cyril Hanouna n’est pas libre et que Guy Lux n’est plus, on imagine.

Si François Hollande est là, c’est bien évidemment en qualité d’ancien Président ; mais surtout en tant que préfacier de Caroline Langlade, rescapée de la tuerie du Bataclan, qui vient présenter son récent ouvrage, Sortie(s) de secours. Les mines sont graves et de circonstance : on commémore les deux ans du drame. D’où cette persistante impression de gêne, ce malaise diffus. Tout cela est trop cocasse pour ce que la situation a de grave, trop grave pour ce qu’elle présente d’incongru.

Quand François Hollande évoque la lutte contre le terrorisme, il tente de prendre des accents gaulliens, façon Winston Churchill sous le blitz ; mais il ne s’agit que du Président des bisous sous les projecteurs, et pas ceux de la DCA. Il a beau se démener : un studio de télévision n’a rien d’un bunker et les seules salves qu’il doit essuyer sont celles de timides applaudissements déclenchés par le chauffeur de salle.

Société du spectacle, quand tu nous tiens. François Hollande avait fait défiler un invraisemblable casting de chefs d’État au lendemain du carnage de Charlie Hebdo. Heureusement que le professeur Choron et François Cavanna sont morts avant d’avoir vu ça. Des flics et des fauteurs de guerre, des CRS et des tenants du Nouvel ordre mondial – et moral – défilant en rangs par deux pour saluer la mémoire de joyeux libertaires conchiant à la fois patrie et drapeau ; le tout salué par celui qui assurait vouloir embrasser un gugusse à képi, le pathétique chanteur Renaud. Là, c’est un concert de rock à l’issue tragique qu’on panthéonise. Ou quand ce qui demeure de contre-culture devient art officiel et les trublions d’hier anarchistes d’État.

La prestation présidentielle participe de cette même logique politico-show-bizienne : il assure la première partie avant de laisser la place aux têtes d’affiche. Engoncé dans le canapé rouge cher au maître des lieux, coincé entre un Daniel Auteuil et une Camélia Jordana, il ne lui reste plus qu’à pousser la chansonnette. "J’aurais aimé être un artiste", mais ambiance chanteur à texte : "J’ai été à la porte du Bataclan et j’ai vu sortir des femmes, des hommes, hagards, j’ai vu la détresse, la peur, le soulagement. […] Ce sont des images qui ne s’effaceront jamais. La responsabilité qui devait être la mienne ? Assurer la cohésion nationale, décider une intervention en Syrie et en Irak." Ce, avec le succès qu’on sait et les géniales intuitions politiques qu’on connaît, consistant à déclarer la guerre aux forces syriennes gouvernementales faisant la guerre à cet État islamique, inspirateur du massacre parisien plus haut cité.

Mais the show must go on, dit-on. Et le show continue donc. Avec Sheila et Michou, respectivement chanteuse et tenancier de cabaret sur l’éternel retour, mais qui viennent un peu gâcher celui du grand homme, naguère leader de la cinquième puissance mondiale. On se pince.

Aujourd’hui qu’il vit avec une actrice, tous les feux semblent être au vert pour une éventuelle reconversion. Il n’y a jamais eu de remake de The Party, de Blake Edwards. C’est le moment ou jamais. En successeur de Peter Sellers, François Hollande serait tout bonnement épatant.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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