Gilles Le Gendre rentre dans le troupeau

GILLES LE GENDRE

Gilles Le Gendre va donc rendre son bâton de berger. À la rentrée, il ne sera plus le patron du troupeau des députés de La République en marche. Patron est un bien grand mot, semble-t-il. L’a-t-il jamais été, d’ailleurs ? La question se pose, même si, au fond, elle n’a pas grand intérêt. Il vient d’annoncer la nouvelle dans une lettre adressée à ses petits camarades.

On se souvient qu’il s’était rêvé un temps porte-parole du gouvernement, en remplacement de Sibeth Ndiaye. Patratas ! L’une sort mais l’autre n’entre pas au gouvernement, pour l'instant… Ce songe d’une nuit de printemps, il l’avait couché dans un petit coin d'une longue note à l’attention du Président, note dans laquelle il prodiguait ses bons conseils en matière de ressources humaines en vue de la confection du nouveau gouvernement. L'information avait fuité et cela avait été « la goutte d’eau de trop », d’autant qu’il ne voyait aucun mouton à cinq pattes dans le troupeau de députés capables de succéder à Édouard Philippe. Les moutons avaient moyennement apprécié. Le député de Paris est, à l’évidence, un champion en matière de ressources humaines. La preuve : son groupe a perdu une petite quinzaine de députés, dernièrement. Avec désormais 280 députés, il n’a plus la majorité absolue et doit compter sur l’apport des troupes supplétives, notamment le MoDem. Certes, doit-on imputer cette saignée au seul Gilles Le Gendre ? Sans doute pas. Il n’avait pas, à l’évidence, la carrure pour diriger un groupe aussi hétéroclite (entre des députés débarqués en politique en 2017 et d'anciens socialistes, voire d'anciens LR, ce n'était pas évident de faire de ce caravansérail une armée à la prussienne) et aussi important : probablement l’un des groupes les plus nombreux de toute la Ve République.

Avec ses airs de Pierrot lunaire habillé en costume trois pièces, cet ancien journaliste et communicant, natif de Neuilly-sur-Seine, détonne dans le paysage politique traditionnel. Giscardien à l’âge où l’on a son premier acné juvénile, il devint macronien à celui où, au plan carrière, généralement, on a un pied dans la tombe et l’autre sur une plaque d’égout. Son heure de gloire ? Avoir battu Nathalie Kosciuscko-Morizet aux élections législatives de 2017. Soudain, il s’était senti, comme qui dirait, l’homme du XXIe siècle. Pardi, battre cette peste de NKM, coqueluche du sarkozysme flamboyant et à qui l’on promettait, cinq ans plus tôt, un avenir élyséen quinze ans plus tard, il y avait de quoi, non ? N’avait pas réalisé, derrière ses lunettes rondes, qu’à l’époque, il suffisait de mettre sa bobine dans le passe-tête avec celle de Macron tout à côté pour s’offrir un triomphe romain. Pourtant, l’homme ne manque pas d’intelligence ni de subtilité. Effectivement. On se souvient de sa saillie magnifique, en décembre 2018, en plein mouvement des gilets jaunes : « Nous avons insuffisamment expliqué ce que nous faisons. Et une deuxième erreur a été faite : le fait d'avoir probablement été trop intelligent, trop subtil, trop technique dans les mesures de pouvoir d'achat. Nous avons saucissonné toutes les mesures. » Gilles Le Gendre entrait vivant et en bonne place dans le musée des bourdes en tout genre. Passons sur la nomination de son épouse à un poste important, en décembre 2019, à la Française des jeux, alors que – hasard du calendrier –, au même moment, était votée sa privatisation (de la FDJ, pas de l’épouse de Le Gendre) à l’Assemblée. Franchement, on n’est pas aidé !

Pour terminer, un extrait de sa lettre qui, sans être au niveau du légendaire char de l’État naviguant sur un volcan, n’est pas mal dans le genre monstrueux : Emmanuel Macron ayant tracé un « nouveau chemin », comme chacun sait, Gilles Le Gendre estime qu’« un passage de relais s’impose qui apportera du sang neuf à la tête de notre groupe ». Relisez bien et imaginez-vous la scène. On a les métaphores qu’on mérite.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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