Francis Lai, ou quand le génie français s’exporte jusqu’à Hollywood…

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Depuis que cette musique, aujourd’hui donnée pour « classique », paraît, depuis des décennies, se contenter de réinterpréter les maîtres de jadis, les héritiers spirituels des Wagner, des Bach et des Mozart semblent s’être trouvé, entre-temps, un autre champ d’action : le septième art. D’où la juste célébration et remise à l’honneur de génies tels que John Williams (La Guerre des étoiles et Indiana Jones, entre autres), Ennio Morricone (Sergio Leone, en particulier, mais le plus beau du cinéma italien en général), sans oublier le plus jeune Howard Shore (Le Seigneur des anneaux). Pour autant, doit-on négliger le magistral apport des Français en la matière ?

La mort de Francis Lai, à quatre-vingt-six ans, est là pour nous le rappeler. Le palmarès du défunt est proprement impressionnant. Des centaines de bandes originales, pour Claude Lelouch, principalement, mais encore René Clément, Jean Delannoy, Henri Verneuil et Philippe de Broca ; évidemment, la liste est loin d’être exhaustive. Il y a encore les chansons qu’il signa pour Édith Piaf, Serge Reggiani, Yves Montand, Jacques Dutronc ; et même pour Elton John et Ella Fitzgerald. En effet, Francis Lai était également connu en Angleterre et aux USA, tel qu’en témoigne l’Oscar reçu pour la musique de Love Story, en 1970. En nos contrées, on se souviendra plus du « Cha-ba-da-ba-da » d’Un homme et une femme, de Claude Lelouch, thème qui, lui aussi, manqua de peu la statuette tant convoitée.

Que ce deuil soit donc l’occasion de se souvenir à la fois de ses devanciers, de ses contemporains et de ses successeurs. Georges Auric et sa Grande Vadrouille. Maurice Jarre, le père de Jean-Michel Jarre, et ses trois Oscars, Lawrence d’Arabie, Le Docteur Jivago et La Route des Indes, tous trois signés du grand David Lean. Toujours à l’exportation, il y a Michel Legrand qui, hormis ses collaborations avec Jacques Demy (Les Parapluies de Cherbourg et Les Demoiselles de Rochefort), est lui aussi titulaire de trois autres Oscars pour L’Affaire Thomas Crown, de Norman Jewison, Un été 42 , de Robert Mulligan, et Yentl, de Barbra Streisand. Georges Delerue, après Le Mépris, de Jean-Luc Godard, sera également distingué par les Américains, tel qu’en témoigne un Oscar emporté pour I Love You, je t’aime, de George Roy Hill.

Et quand il n’y en a plus, c’est qu’il y en a encore : Vladimir Cosma, l’homme sans lequel les films d’Yves Robert et de Francis Veber n’auraient sûrement pas connu le succès qu’on sait. Michel Magne, dont la musique a transcendé des films tels que Les Tontons flingueurs, de Georges Lautner, ou Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil. Michel Magne, c’était aussi le mythique studio du château d’Hérouville, dans le Val-d’Oise, là où ont enregistré des monstres sacrés tels que David Bowie, Pink Floyd, Grateful Dead ou encore le même Elton John. Une liste qui serait incomplète si l’on négligeait François de Roubaix : Le Samouraï, de Jean-Pierre Melville, et Le Vieux Fusil, de Robert Enrico, c’était lui.

Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, cette tradition d’excellence se perpétue. Avec Gabriel Yared, par exemple, qui, hormis d’innombrables musiques de films en France, a lui aussi eu droit à un Oscar avec Le Patient anglais, d’Anthony Minghella. Mais encore avec le plus jeune Alexandre Desplat (déjà un Oscar pour The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson), qui effectue un parcours sans faute, à la fois ici et à Hollywood, s’offrant même le luxe de refuser de composer la bande originale d’un nouveau chapitre de La Guerre des étoiles.

Francis Lai participait donc de cette glorieuse filiation grâce à laquelle des musiciens d’exception ont fait et continuent de faire rayonner une indubitable forme de génie français. En ces temps de sinistrose, cela méritait aussi d’être rappelé.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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