« Et les Blancs sont partis » : un journaliste de gauche acte le Grand Remplacement (par prétérition)

Frayer-Laleix

Il court, il court, celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-pas-le-nom. Dans les meetings, sur les plateaux, dans les colonnes des journaux. Le concept-qui-n’existe-pas est présent dans tous les esprits en cette période de présidentielle. Et sur toutes les lèvres, y compris celles de Valérie Pécresse, qui jure ses grands dieux n’en avoir parlé que pour l’écarter. Mais qu’importe, le mot a été lâché. Comme l’acte avec satisfaction Robert Ménard, sur Twitter : « L’idée d’un Grand Remplacement, à savoir un profond bouleversement démographique de la France, est enfin admise par toute la droite, de Pécresse à Zemmour en passant par Marine Le Pen. Nous sommes d’accord sur un sujet fondamental, c’est un progrès important ! »

Mais le concept fait son chemin aussi à gauche, fût-ce par prétérition : dans le prologue de son livre  Et les Blancs sont partis. Reportage au cœur de la fracture ethnique (Fayard), le journaliste de gauche Arthur Frayer-Laleix justifie ainsi son titre : « Cela n’est en aucun cas une référence à la théorie du « Grand Remplacement » circulant dans les milieux d’extrême droite. » Ouf, on a eu chaud. « Cette formule est une phrase que j’ai souvent entendue prononcée en reportage par des gens que j’interviewais. Des Marocains, des Algériens, des Ivoiriens, des Maliens, des Sénégalais… tous regrettent et déplorent cette fuite des Blancs. Ils en sont les premières victimes. » Bref, l’idée générale est finalement dicible, mais par les immigrés eux-mêmes et dans une optique victimaire.

Pour Arthur Frayer-Laleix, « il faut être aveugle ou d’une mauvaise foi absolue pour nier la disparition des Blancs de l’espace public dans certains quartiers ou certaines villes. »

Sans crainte de se contredire, il admet donc que le Grand Remplacement n’est pas de l’ordre de la théorie mais de la pratique. Les Français pratiquent le métro, les hôpitaux, les écoles, les grandes surfaces, et ont des yeux pour voir. La population de notre pays a changé, c’est un fait, et dans des proportions telles que l’on utilisera plus volontiers, pour en parler, l’adjectif « grand » que « négligeable », « anecdotique » ou « infinitésimal ».

Arthur Frayer-Laleix plaide pour aborder le sujet de façon décomplexée. Évoquant la fameuse « ghettoïsation » et les « processus de ségrégation », il ne rejette nullement la responsabilité, comme les autres, sur les municipalités et les offices HLM, mais évoque des « logiques de solidarité » et des « dynamiques de communauté », assez normales d’ailleurs : « Des immigrés venus d’un même village au Mali ou d’une même région au Maroc ou au Sénégal se passent le mot et se retrouvent dans une même commune en France. Ils font cela pour être certains de trouver une entraide et une solidarité nécessaires à leur vie dans l’Hexagone. » Et l’auteur de s’étonner : « La gauche s’est très longtemps désintéressée de ce sujet parce qu’elle ne voulait pas faire le jeu de l’extrême droite en abordant ces questions. Probablement une grave erreur puisqu’elle s’est interdit de penser l’une des mutations majeures de la société française de la seconde moitié du XXe siècle. »

Lui n’occulte aucun secteur (ou presque). Administrations,  hôpitaux, écoles, logements sociaux, transferts d’argent (rapportant les propos d’un personnage influent de la communauté commorienne de La Courneuve selon lequel « près de 85 % du développement économique des Comores s’est fait grâce à l’argent de la diaspora installée en France ») ou encore, last but not least, univers carcéral. Dans un chapitre intitulé « Prison, le non-dit », il analyse « la présence massive des jeunes des quartiers immigrés en détention [qui] fait des prisons françaises l’extension des cités les plus sensibles et les plus pauvres du pays » : « Pourquoi nier le phénomène ? Aborder le fait en lui-même ne présuppose en rien les causes qui envoient ces jeunes en détention. »

Admettre le Grand Remplacement ne signifie pas qu’on le déplore - certains peuvent s’en réjouir, ou n’en avoir strictement rien à cirer - ni que l’on soupçonne un docteur No à petites lunettes métalliques de tirer les ficelles d’un obscur « complot » avec un gros rire sardonique. Après le procès en sorcellerie fait à Valérie Pécresse, lundi, le chercheur Jean-Yves Camus l’a écrit sur Twitter : « Renaud Camus ne définit aucune cause efficiente et unique à ce qu’il nomme Grand Remplacement. Il ne définit aucun groupe précis qui aurait sciemment mis en place le Grand Remplacement. »

Si déjà l’ensemble de la classe politique, de droite et de gauche, pouvait tomber d’accord sur le constat, ce serait déjà un pas.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

74 commentaires

  1. Grand remplacement: c’est un terme très soft, par rapport à celui qu’employait Aimé Césaire: génocide par substitution !

  2. Les blancs ont la montre et les islamistes ont le temps pour eux. Avec les ventres de leurs femmes et avec notre démocratie, mat(hematiquement un jour ils nous remplaceront sans tirer un coup de feu, comme dit Zemmour, c’est le nombre qui compte.

  3. D’accord avec cette analyse du livre et son auteur. Notre problême est que notre pays a accueuilli trop d’immigrants trop rapidement et nous ne sommes plus capables de les intégrer à la majorité française. Avec leur nombre, ils vivent en clusters et ne sentent plus aucune pression sociale de s’intégrer. Il faut geler l’immigration pour des années pour reéquilibrer notre population et notre société.

  4. Qu’ils pensent tout de même à prendre un maximum d’immigrés illégaux avec eux en quittant la France… Ho purée, Enrico, je ne pense pas que l’on veuille de toi avec tes copains clandestins du côté de Tel-Aviv.

  5. Il suffit de prendre certaines lignes de métro parisien pour constater le grand remplacement. D’ailleurs, un calcul mathématique simple montre si une famille française a 3 enfants , et une famille immigrée 5 enfants ou plus, le temps passant, le remplacement se fait « naturellement ». La croissance exponentielle est plus grande dans le deuxième cas !

  6. Le grand remplacement étant nommé enfin et son utilité non reconnue enfin reste à mettre en oeuvre les armes dont nous disposons pour l’arrêter. Criminalisation de la circoncision sur les mineurs (mutilation sexuelle). Interdiction totale des signes religieux notoirement provocateurs dans tout l’espace publique (niqab, hidjab, kippa, burka) sinon il faut aussi autoriser l’étui pénien dans le métro! Suppression des menus spéciaux dans les cantines.

  7. « Il faut toujours dire ce que l’on voit, et surtout, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit  » Charles Péguy.

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