Diriger un établissement scolaire devient-il un métier à risque ?

Lycée Eugène Delacroix Drancy

« La sécurité des chefs d’établissement en question », titre le journal Ouest-France du 13 août, après le décès tragique du principal d'un collège de Lisieux. Informé, sur son téléphone, d'une intrusion dans son établissement alors qu'il partait en vacances avec sa famille, il s'était rendu sur place, où il a vraisemblablement été victime d'une agression mortelle. Selon le procureur de Lisieux, « une trace d'effraction a été constatée sur une porte secondaire ». Une autopsie doit être pratiquée, ce lundi, pour connaître plus précisément les causes du décès.

La plupart du temps, un chef d'établissement a un logement de fonction par nécessité absolue de service, mais la question se pose de sa responsabilité dans la sécurité des locaux, lorsqu'ils sont fermés en période de vacances scolaires et quand lui-même, après avoir préparé la rentrée, s'octroie quelques jours de congés. Dans un communiqué, le Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (SNPDEN) a souligné « l’urgence de trouver, sous la responsabilité des collectivités territoriales, des solutions de surveillance et de sécurisation des locaux qui ne mettent pas en péril la sécurité et l’intégrité des personnels de direction ».

Au-delà des solutions techniques, ce fait divers tragique montre le large éventail des compétences qui sont attendues d'un chef d'établissement. Il doit à la fois assurer le fonctionnement matériel et pédagogique de son collège ou de son lycée, se faire respecter des élèves sans tomber dans la démagogie, savoir dialoguer avec les familles sans leur donner systématiquement raison et exercer sur les professeurs une autorité reconnue. Il n'est pas facile de réunir toutes ces qualités ; aussi la question du recrutement des personnels de direction est-elle importante.

Il semble que les meilleurs principaux ou proviseurs soient d'anciens professeurs, qui ont une expérience réussie de l'enseignement. Ils sont les mieux placés pour comprendre les besoins des élèves et de leurs professeurs, en ayant pour seul objectif que les seconds instruisent au mieux les premiers. Ils doivent avoir une pratique préalable du terrain et rester insensibles aux modes pédagogiques et idéologiques ou à la séduction de promotions facilement acquises en se faisant mousser devant leur hiérarchie.

Cette hiérarchie est trop souvent composée de technocrates hors-sol, déconnectés des réalités humaines. Si le nouveau ministre Gabriel Attal comprenait que la gestion de l'Éducation nationale ne se réduit pas à des statistiques et que sa performance ne se traduit pas en nombre de reçus au brevet des collèges ou au baccalauréat, ce serait déjà un grand progrès. Si l'on en croit les premiers témoignages, ce principal de Lisieux, ancien professeur de mathématiques, proche de ses élèves et de ses professeurs, était apprécié de tous. Un hommage lui sera sans doute rendu à la rentrée.

On peut souhaiter qu'à cette occasion, le ministre prenne conscience que ses personnels ne sont pas des pions anonymes qui font tourner une machine qui ne sait même plus pourquoi elle tourne. Ce sont aussi des êtres humains qui, la plupart, ont une famille et partagent les mêmes soucis que les autres ; qui font leur travail le mieux qu'ils le peuvent et trouvent dans leur établissement une reconnaissance que ne leur accorde guère l'institution. Le rôle du ministre, ce n'est pas seulement de faire preuve de compassion, à l'occasion d'une mort tragique ; c'est aussi de redonner confiance dans l'institution. En lui donnant les moyens matériels d'accomplir sa mission, bien sûr, en garantissant la sécurité, mais aussi en humanisant son fonctionnement.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

20 commentaires

  1. Pour avoir été salarié d’un collège privé pendant quelques années, je ne suis pas vraiment convaincu par le modèle qui consiste à confier la direction d’un établissement à un ancien professeur qui n’a rien connu d’autre que l’enseignement. Le chef d’établissement est en effet, qu’il le veuille ou non, un chef d’entreprise, responsable dans un univers administrativement toujours plus tatillon du personnel administratif (les enseignants relevant de l’Éducation nationale), du budget, de la sécurité au travail, de l’informatique, etc. , toutes choses qui ne correspondent ni à son expérience, ni forcément à ses goûts, ce qui présente un risque de négligence même s’il est bien entouré. Le modèle de l’enseignement supérieur où l’on trouve souvent un directeur issu du monde de l’entreprise assisté d’un adjoint pédagogique mériterait d’être mis à l’épreuve dans le secondaire.

  2. Le SNPDEN, syndicat de gauche pas de vague. Si un enseignant a des problèmes, c’est parce qu’il ne sait pas gérer sa classe, qu’il s’y prend mal avec les élèves.
    Des principaux menacés, j’en ai vu et ça ne date pas d’aujourd’hui. En 1984 j’en ai connu un qui baissait son froc devant un «grand frère » qui avait déjà tabassé un pompier. En 2005 un élève jette au sol le contenu du bureau d’un principal, ordinateur compris. Mais c’est l’élève qui avait eu une altercation avec cet individu qui est menacé de conseil de discipline. Les principaux sont notés en fonctions des « incidents » dans leur établissement ou des articles élogieux dans la presse. (Le rayonnement). La situation actuelle me parait logique et ne me surprend nullement.

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