Pour de bons professeurs, réduire le temps de formation disciplinaire serait aberrant !

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La Cour des comptes recommande de "placer les épreuves d'admissibilité [des concours] en fin de licence", c'est-à-dire à bac+3, et d'"asseoir davantage les épreuves d'admission, qui seraient placées au cours de l'année de M1, sur des enseignements de professionnalisation".

Il n'en faut pas davantage pour que les médias annoncent une « révolution » dans l'Éducation nationale. Le ministre se montre plus prudent, expliquant que, si le consensus sur ce positionnement des concours s'élargit, une telle préconisation ne pourrait être mise œuvre du jour au lendemain. Qu'en est-il exactement ? Quelles seraient les conséquences de concours placés en fin de licence ?

Loin d'être une révolution, cette mesure constituerait une régression dans la formation disciplinaire des futurs professeurs. Les épreuves d'admissibilité des concours se passent, actuellement, en première année de master pour le CRPE (écoles) et le CAPES (collèges et lycées), l'agrégation nécessitant la possession d'un master complet. Aux trois ans de la licence vient donc s'ajouter au moins une année de préparation aux concours.

Les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), qui forment une partie des candidats au CRPE et au CAPES, se plaignent que, durant cette année de préparation, les étudiants consacrent trop de temps à l'écrit du concours, principalement disciplinaire, aux dépens de la formation professionnelle qu'elles estiment essentielle. Comme si on pouvait enseigner correctement ce qu'on ne maîtrise pas ! En réduisant le temps d'acquisition des savoirs disciplinaires, on ne voit pas comment le niveau des candidats pourrait s'améliorer. Déjà, dans le système actuel, les jurys ne peuvent pourvoir tous les postes aux concours.

Placer le concours en fin de licence non seulement diminuerait la formation disciplinaire mais permettrait aux ESPE de prendre en main plus longtemps les étudiants pour les conformer à un modèle préconçu. Ce n'est pas ainsi qu'on pourra garantir la qualité des nouveaux professeurs. On peut penser que Jean-Michel Blanquer en est conscient, d'où ses réticences à l'égard de la recommandation de la Cour des comptes. Son idée serait plutôt de favoriser un pré-recrutement, ce qui n'est pas une mauvaise idée, si certaines conditions sont respectées.

La première, c'est que les élèves-professeurs soient sélectionnés parmi les meilleurs étudiants qui se destinent à l'enseignement, dans un concours ouvert à tous et non seulement à ceux qui répondraient à des critères sociaux ou géographiques. Autrement dit, pas de « discrimination positive ». Ce serait le moyen de recruter des candidats à la fois motivés et d'un bon niveau dans leur discipline.

La seconde condition, c'est que subsistent les concours qui conduisent à la titularisation, quitte à les aménager : autrefois, les ipésiens, sélectionnés à bac+1 ou +2, bénéficiaient d'une préparation spécifique et, comme les normaliens, étaient dispensés de l'écrit du CAPES. Les meilleurs d'entre eux pouvaient passer l'agrégation, destinée à enseigner au lycée, dans les classes post-baccalauréat et à l'université.

La troisième condition, c'est de réviser de fond en comble la formation infantilisante et dogmatique donnée dans les ESPE, pour la rendre plus proche du terrain et des besoins pratiques des étudiants. Enfin, à côté de ce vivier issu d'un pré-recrutement, il faut que d'autres candidats puissent continuer d'être recrutés par concours, soit qu'ils se reconvertissent, soit qu'ils aient emprunté auparavant une autre voie.

C'est à ces conditions qu'on peut, un jour, espérer avoir assez de professeurs compétents, du primaire au secondaire, et dans les premières années de l'université, loin de de toute normalisation pédagogique et idéologique.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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