Corridas : un Ricard sinon rien !

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Rien ne saurait arrêter la marche du monde vers un avenir plus radieux ; la preuve par les multinationales, dont le groupe Pernod Ricard, numéro deux mondial en matière de boissons fortes, qui vient d’en finir avec son ancestral partenariat avec l’Union des clubs taurins Paul-Ricard ; lequel devrait bientôt, et selon toute vraisemblance, changer de nom, selon les informations de France 3 (23 janvier). Soit un réseau, principalement installé dans le sud de la France, traditions locales obligent, et qui, fort de plus de 15.000 membres, représente quelques 400 clubs, avec tous les bénéfices économiques qu’on imagine.

À destination des esprits sensibles, on précisera que la corrida, avec mort du taureau y afférente, ne représente qu’une mince partie de disciplines faisant le plus souvent la part belle aux courses, dans lesquelles aucun animal n’est tué, contrairement aux imprudents Landais ou Camarguais s’avisant de jouer avec ces bêtes à cornes pour épater copines et copains. C’est le jeu et aucune vachette n’a, pour le moment, porté plainte pour harcèlement.

Officiellement, le service de communication de Pernod Ricard affirme que cette décision n’a rien à voir avec les incessantes campagnes des associations animalières ou spécistes. Ce n’est pourtant pas l’avis de Claire Starozinski, présidente de l’Alliance anti-corrida, qui affirme : « C’est une victoire. On a obtenu cette décision de haute lutte après une très grosse campagne de plus de dix ans. C’est le signe que la tauromachie, c’est fini. »

Pour une fois, elle se trouve en parfait accord avec ses meilleurs ennemis, dont André Viard, président de l’Observatoire national des cultures taurines : « Cette décision, c’est l’histoire d’un fonds de pension américain [le fonds Elliott, NDLR] qui se fait harceler par un mouvement extrémiste pour le droit des animaux. » Par ailleurs ancien matador, le même André Viard poursuit : « La tauromachie, ce n’est pas que Paul Ricard, mais ce qui est sûr, c’est qu’il a dû se retourner dans sa tombe. Il était fier de ses origines camarguaises. »

Entre autres manifestations du genre à être visées, la Feria de Béziers, laquelle a attiré quelque 800.000 visiteurs, l’an dernier. Robert Ménard, premier des Biterrois, fait le point pour Boulevard Voltaire : « Pour une ville comme la nôtre [la quatrième la plus pauvre de France, NDLR] l’impact est colossal. » Existe-t-il un plan B, sachant que d’autres petits sponsors pourraient éventuellement en remplacer un gros et que les authentiques amateurs de liqueurs anisées ont tendance, et ce, de longue date, à délaisser le pastis industriel pour les producteurs artisanaux du cru ? « Malheureusement, non : il n’y a pas de plan B ! », déplore l’édile.

Et le même de poursuivre : « Le problème majeur, dans toute cette affaire, c’est que l’on voit l’américanisation du monde se mettre en marche chaque jour davantage par la force de l’argent. Ceux qui se réjouissent aujourd’hui de la décision de cette multinationale, tenue en otage par un fonds de pension vautour, devraient y réfléchir à deux fois avant de se congratuler. Car, dans la foulée, ce sont les vachettes qui vont être interdites au nom du bien-être animal, alors qu’on s’apprête à ressusciter « Intervilles ». Et demain ? Demain, ce sera le rugby qui sera à son tour interdit, au nom du bien-être humain, j’imagine, sachant que plaquages et mêlées ne sont pas toujours de tout repos… »

Certes, personne n’est obligé d’aimer la corrida et la culture taurine. Mais est-ce une raison pour en dégoûter les uns ? Pis, d’en interdire le spectacle aux autres ? Ce sont, évidemment, les mêmes qui assurent la promotion du « vivre ensemble », à condition toutefois que « l’autre » leur ressemble.

Ces gens-là finiront par nous faire adorer, un jour, la corrida !

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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