Campagne d’Emmanuel Macron : McKinsey la main dans le sac ?

MCKINSEY MACRON

Énième rebondissement dans le feuilleton McKinsey. Cinq mois après l’ouverture de deux informations judiciaires pour soupçons de financement illégal des campagnes électorales d’Emmanuel Macron et favoritisme présumé, une enquête journalistique menée par la cellule investigation de Radio France vient apporter de nouveaux éléments. Sur fond de témoignages, les journalistes du service public révèlent que des consultants du désormais célèbre cabinet de conseil auraient participé de façon « active », si ce n’est « intrusive », à la campagne d’Emmanuel Macron. Et ce, sans facturer la moindre prestation.

Le bénévolat de McKinsey

Cinq mois d’enquête et les perquisitions s’enchaînent. Le 22 mars dernier, la police a perquisitionné le domicile de Clarisse Magnin-Mallez, directrice associée senior et directrice générale de McKinsey France, et celui d’un ancien collaborateur du chef de l’État. Après les révélations du rapport sénatorial de mars 2022 sur l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques, la Justice cherche à savoir si des consultants de McKinsey n’auraient pas fourni gratuitement des prestations qui auraient, en réalité, dû être comptabilisées dans les comptes de campagnes d’En marche ! Les enquêteurs vérifient également si, en échange de ce « bénévolat », le cabinet n’aurait pas, par la suite, bénéficié d’un certain favoritisme de la part du gouvernement dans l’attribution des marchés publics.

Il faut dire que les liens entre McKinsey et les campagnes d’Emmanuel Macron sont étroits, sinon troubles. Dès 2016, d’après un témoignage recueilli par Radio France, une dizaine de consultants viennent grossir les équipes du candidat. « On essayait d’avoir le moins d’interactions possible avec eux, explique à nos confrères un ancien conseiller du Président. Mais certains étaient très intrusifs. » Ces nouveaux arrivants « brillants », « au cerveau ultra-rapide », sont vite préférés par le candidat Macron et réalisent alors diverses prestations. Karim Tadjeddine, alors directeur associé senior de McKinsey, aidé de deux autres consultants, participe ainsi au lancement de la plate-forme Au service de tous qui se voulait être un site de recueil des doléances des citoyens. Son collègue, Guillaume de Ranieri, directeur associé du cabinet en charge du secteur aérospatial et défense, produit, de son côté, une note « Projet défense et sécurité » pour les équipes du candidat. Toutes ces prestations qui auraient pu être facturées plusieurs dizaines de milliers d’euros ont été réalisées à titre individuel et bénévole.

Une zone grise

Mais c’est là que le bât blesse. Où est la frontière entre une prestation professionnelle de conseil et un travail bénévole individuel ? Devant les sénateurs, en janvier 2022, Karim Tadjeddine est formel : McKinsey « ne sert pas les partis ou les personnalités publiques ; ses statuts l’interdisent » (page 164 du rapport). Cependant, à y regarder de plus près, la réalité semble plus difficile à décrypter. La note produite par Guillaume de Ranieri, par exemple, a demandé un important investissement : diagnostic de « la Grande Marche », benchmark des positions des autres candidats, positionnement d'Emmanuel Macron, premiers éléments d’orientation… Le résultat final s’apparente en tous points à un « livrable » digne d’un cabinet de conseil. Une analyse partagée par une ancienne consultante interrogée par Radio France pour qui cette note adopte « vraiment la charte graphique de McKinsey et leur genre de typographie ». Or, le Code électoral interdit formellement aux entreprises de participer à une campagne électorale.

À cela s’ajoute la question des horaires. Si certains assurent avoir travaillé pour Emmanuel Macron seulement pendant leur temps libre (soirée et week-ends), d’autres témoignages indiquent que des consultants auraient également participé à des réunions « en journée ». Et, il y a enfin la question des adresses mail professionnelles utilisées par certains membres de McKinsey. Une « erreur », concède Karim Tadjeddine, mais qui pourrait peser dans la balance lors de l’enquête. La Justice devra ensuite déterminer s’il y a eu favoritisme et recel de favoritisme en faveur de McKinsey, dont certains consultants ont obtenu des postes au sein du parti présidentiel ou du gouvernement après l’élection d’Emmanuel Macron.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 07/04/2023 à 10:44.
Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

35 commentaires

  1. Radio France dans ce bourbier , on aura tout vu !! on peut prendre les paris sur la suite ….rien ne se passera !

  2. Si Macron et son Clan à l’issue de son 2ème mandat pouvait être occupé avec Ses Affaires dont celle là de Mc Kinsey, comme ils nous ont « amusés » pendant 10 ans au sujet des « Affaires » de Sarkozy, ça nous ferait distractions….Sachant d’avance que tout cela finira par un grand « Pschitt » ! ! !

  3. Le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument, mais un peuple de moutons ne peut engendrer qu’un gouvernement de loups !

  4. Lors de l’enquête sur ses comptes de campagne 2017, des chiffres inexpliqués apparaissaient et Griveaux (celui qui se filmait la bourse à la main), osait donner comme explication : «il est difficile d’identifier des donateurs par cartes bancaires »… Vérifiable .
    Alors le déshonneur et l’irresponsabilité de cette caste n’est plus à démontrer.

  5. « … un travail bénévole individuel … »
    Est-ce que ce bénévolat était provoqué ou influait sur la carrière professionnelle ou les placements financiers du bénévole ?

    C’est toute la question. La réponse est peut-être hors de France. Delaware ??? État très spécial fiscalement parlant, considéré comme un paradis fiscal, environ 50 % des entreprises américaines cotées en bourse à New York ont leur siège au Delaware, fournissant environ un cinquième du revenu de l’État.

    Autant dire qu’il faudrait sacrément investiguer … pour être sur que ce trop plein de consultants au plus haut niveau ne soit que pure coïncidence … Sinon vous avez leur site et la fiche WIKIPEDIA … ouais bof sympathique ;-)

  6. J’adore le « auraient participé »…c’est comme si on disait que des imbéciles auraient pu devenir intelligents…sauf que les imbéciles ont tout loupé, eux pas les Mac Kinsey.

  7. La vérité et vite et les sanctions qui vont avec , ce pays est à l’agonie et le peuple ne peut plus attendre la fin de son mandat , il en va de notre survie.

    • OUI si la lumière est faite dans 50 ans, je ne suis pas certain que nos rejetons mesurerons l’effet surprenant de cette affaire. C’est d’ailleurs comme cela que nos « Zélites moralisantes » se permettent tout.

      Par contre avec ces histoires, certain de nos rejetons, pourront éventuellement faire des succès de librairies, un prix Pulitzer 2073, …. et pour les meilleurs un Goncourt 2073 ;-)

      Qui sait peut-être un des nombreux enfants de Macron :-)

    • Bien sûr que non, la lumière ne sera jamais faite, ce serait s’attaquer à bien plus fort et plus riche que la justice francaise si toutefois elle osait commencer à agir…

  8. Il ne fait aucun doute que les électeurs ont été manipulés lors des élections présidentielles pour qu’un destructeur soit mis en place, et la lenteur de la justice pour le démontrer en est une preuve. Mais, ce qui est grave réside dans le fait que le peuple puisse se faire influencer. Le système éducatif français fut tout de même excellent avant les années 70. Serait ce à dire que malgré cela les Français sont incapables de juger d’exercer leur sens critique, ou bien ne faut il pas voir dans cela la fin de ce que l’on nomme le bon sens paysan mais qui en fait n’était que le fruit d’un enseignement fait de bon sens et de curiosité dont Descartes fut le parfait illustrateur.

  9. Il faut vraiment prendre les enfants du bon Dieu pour des « couillons » à croire que la campagne de Macron ne serait pas l’objet d’un renvoi d’ascenseur. Nos dignes fonctionnaires ont mis cinq ans pour réagir. Le temps qu’une certaine acrimonie monte en puissance dans leurs rangs. Certainement certains hauts représentants oubliés par les ascenseurs. Parti sans argent, ce que croit révéler son bilan d’origine, Macron a soudainement monté un empire. Miracle ! Mais nous ne sommes que de petits « lépreux ». Il ne doit pas être à notre portée de comprendre.

    • Pour empêcher les gens de penser et de réfléchir, il faut encombrer les cerveaux d’une multitude de petits problèmes que les dirigeants vont créer de toutes pièces. Nous en avons eu et sommes encore en train d’en subir : pénuries, essence, pollution, pouvoir d’achat, violences, grèves, paperasses… et quand il reste un peu de temps : télé, portables, jeux vidéo etc…Où y a t’il encore un peu de temps pour réfléchir?

  10. De toute façon Narcisse s’en tirera par une pirouette et comme l’odieux garde des sceaux est à la botte je ne me fais guère de soucis !

  11. Le plus inquiétant dans cette triste affaire est : mais que font le Sénat et l’Assemblée Nationale supposés protéger les intérêts du pays et des citoyens ? Leur silence dans de trop nombreux domaines ou affaires peut vraiment prêter à confusion. Saurons-nous un jour la vérité et le coupable et ses co-coupables seront-ils punis ?

  12. « Où est la frontière entre une prestation professionnelle de conseil et un travail bénévole individuel ? »
    Pour macron : tout sera déclaré bénévole en fin d’enquête.
    Par contre, pour Fillon et ses costumes, le cadeau bénévole a été considéré comme professionnel non déclaré, et le travail de son épouse considéré comme un délit!.

  13. On peut en outre s’interroger sur la sagacité de ces super conseillers. La crise des gilets jaunes, ils ne l’ont pas vu venir non plus. Il n’ont pas prévenu leur « client » qu’il allait droit dans le mur !

Commentaires fermés.

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