Bravo, les cyberflics !
Europol pavoise : l’agence de coordination/coopération des polices nationales des membres de l’Union européenne en matière de lutte contre la criminalité, le terrorisme, la pédophilie et le trafic de stupéfiants a réussi une opération coup de poing visant à démanteler l’infrastructure numérique de propagande de Daech. L’agence de presse du califat devenu virtuel Amaq ainsi que ses correspondants seraient privés de leurs moyens de communiquer. Neuf fournisseurs de services, parmi lesquels Dropbox, Google, Instagram, Telegram, Twitter et YouTube, auraient contribué à cette action. Bravo aux cyberflics ! Voilà au moins un sujet où l’Europe pourrait faire consensus : coopérer pour éradiquer le terrorisme islamique ou non est plus pertinent que rester impuissant seul dans son coin. L’Oumma rêvée des fondamentalistes se joue de nos frontières, il serait sot de s’y cramponner.
Bien sûr, démanteler un réseau connu et identifié de comptes et de liens condamne à deux conséquences. Il n’est dorénavant plus possible d’espionner ce qui n’existe plus, et donc une source de renseignement disparaît. La double peine est que ce réseau se rebâtira immanquablement, sera plus résilient et sera à découvrir entièrement à partir de presque zéro. Il faut faire confiance à Europol, qui a dû jauger de l’opportunité de cette action à l’aune de ces risques.
Aussi ineptes, incompatibles avec notre civilisation et détestables que soient la propagande et les propositions de l’ex-califat islamique, faire couper par la police leurs canaux de communication est une censure.
L’aspect juridique de cette opération a sans doute été verrouillé en amont, vraisemblablement via des lois d’exception qui donnent les coudées franches aux magistrats et aux policiers. D’aucuns invoqueront Machiavel et sa fin qui justifie des moyens ou évoqueront une légitime défense capillotractée, mais c’est bien un « crime d’opinion » qui est sanctionné dans les faits, et en l’absence de tout jugement préalable.
Il y a, dès lors, deux interrogations principales.
Demain, des États qui sont le bras armé d’Europol seront exposés à la tentation d’user des mêmes méthodes pour d’autres sujets que le terrorisme, par exemple afin de limiter toute « dissidence ». Quelles seront les défenses du corps social pour empêcher que ces États aux aspirations totalitaires ne succombent ?
Nous, pays de l’Occident, sommes en guerre contre le terrorisme islamique. C’est, du moins, ce que nous prétendons, sans nous donner la peine d’être simplement cohérents. Ainsi, nous persistons à judiciariser ce qui ne devrait pas l’être. Si le travail de la police en temps de guerre implique bien de lutter contre tant la propagande ennemie que l’intelligence de nos ressortissants avec lui, la partie « action » de cette lutte ne devrait-elle pas être de la responsabilité des militaires ? Mais il est vrai que la défense européenne n’est qu’une chimère et que l’OTAN sert d’autres intérêts.
Je n’ai pas de réponses satisfaisantes à ces interrogations.
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