Un chômage record, une sortie fragile de la récession, mais surtout un chef d’État sans odeur ni saveur appliquant aveuglément le mantra ultralibéral et sa casse sociale dramatique. Toute ressemblance avec la vague nationale qui balaie l’Europe n’est pas purement fortuite tant, de Rome à Brasília, les mêmes causes semblent produire les mêmes effets.

Rien n’aura, en tout cas, ce dimanche, résisté à Jair Bolsonaro (élu avec 55 % des voix), pour qui la victoire se fête manifestement en famille : avec 1,84 million de voix, son fils, le député Eduardo Bolsonaro, battait à l’occasion de sa réélection un record historique, bravant un vent spectaculaire de dégagisme. L’hécatombe est aussi drastique au Sénat, où seulement un sortant sur quatre a été réélu. Quant au président Michel Temer, dont la popularité plafonnait à 5 % en mars 2018, sur fond de scandales de corruption, son ancien ministre des Finances récoltait un maigre 1,20 %.

Populiste ? D’extrême droite ? Si l’ancien parachutiste, capitaine de réserve et sept fois député n’aime rien tant que choquer le bourgeois par des propos saumâtres qui, sous nos climats, provoqueraient des haut-le-cœur, sa popularité insolente parmi les femmes, les homosexuels et les Afro-Brésiliens inflige un démenti cinglant aux analyses sans nuances colportées par les médias européens. En témoigne l’Afro-Brésilien Hélio Barbosa, élu député après avoir troqué son nom de famille pour celui de son idole. « Bolsonaro n’est pas raciste, j’en suis la preuve », opinait le désormais Hélio Bolsonaro dans une vidéo de soutien.

L’intérêt supérieur national aura donc transcendé les différences ethniques et sexuelles. Car celui qui se définit comme un « pragmatique responsable » défend avant tout les droits de l’homme du peuple : le droit à la sécurité, dans un pays qui déplorait, en 2016, 63.000 homicides, soit 14 % de ceux dénombrés dans le monde ; le droit au travail, alors que le taux de chômage stagne à 12 % et que 62 % des jeunes rêvent d’expatriation. Celui, aussi, de vivre dans un État souverain et fier de son identité.

Ainsi, si le futur ministre des Affaires étrangères Ernesto Fraga Araújo seconde volontiers Donald Trump sur l’exaltation des valeurs chrétiennes, les affinités risquent bien de s’arrêter là, Jair Bolsonaro n’ayant pas fait mystère de son hostilité à certaines décisions jugées trop favorables aux États-Unis. L’accord « Cieux ouverts », par exemple, conclu sous un Michel Temer, dont les liens avec la CIA avaient été révélés par WikiLeaks en 2016, donnait carte blanche aux Américains sur le centre de lancement spatial d’Alcântara.

"La vraie démocratie, c’est pouvoir mettre du pain sur sa table et […] marcher sans la rue sans être agressé", lançait, en 1993, un Jair Bolsonaro à l’orée d’une longue carrière politique. Mais le sacre, au terme d’un cursus honorum de trente ans, de ce descendant d’immigrés italiens est avant tout celui d’un peuple mû par le vent irrépressible de la liberté.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 16:55.

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29 octobre 2018 à 10:11

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