La chaîne de distribution Leclerc pratique une publicité agressive dans laquelle elle vante ses prix bas ; elle ferraille en permanence contre les réglementations qui, selon elle, l’empêcheraient de faire baisser encore plus les prix, notamment dans le domaine de la pharmacie.

En juin 2018, le ministère de l’Économie avait assigné en justice une centrale d’achat de Leclerc, le GALEC, afin qu’elle rembourse 108 millions d’euros extorqués, selon Bercy, d’une manière illégale à ses fournisseurs. Le GALEC aurait profité de sa position dominante pour obliger les entreprises avec lesquelles il travaillait à baisser leurs prix bien au-delà de ce qui était prévu dans les contrats qu’elles avaient signés. La peur de perdre un marché essentiel a poussé les fournisseurs à obtempérer. Cette affaire n’est toujours pas passée devant les tribunaux et si Leclerc est condamné, il restera gagnant car les rabais obtenus sont bien plus élevés que les 108 millions demandés.

Le ministère de l’Économie vient donc de récidiver et d’infliger une amende de 117 millions d’euros à Leclerc, ce qui sera une perte sèche pour le géant de la distribution s’il doit la payer. Le montant de cette amende est exceptionnellement élevé : en général, Bercy ne réclame que quelques millions d’euros aux fautifs, ce qui n’est pas dissuasif, loin de là.

Bercy s’appuie sur une enquête détaillée de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Selon celle-ci, Leclerc aurait contourné la loi française par l’intermédiaire d’Eurelec, une centrale d’achat belge créée en 2016 et partagée avec l’Allemand REWE. Leclerc ferait désormais une bonne part de ses achats en Belgique et userait de rétorsions fortes pour obliger ses fournisseurs à baisser leurs prix.

Leclerc, évidemment, se défend : le groupe affirme ne s’en être pris qu’à de grandes entreprises multinationales et non à des PME ; il déplore la pression constante que les pouvoirs publics exercent sur lui depuis deux ans et met en avant la défense des consommateurs. Ceux-ci sont, peut-être, les bénéficiaires de cette politique commerciale (cela reste à prouver), mais Leclerc est accusé par ses fournisseurs et ses concurrents de pratiques trop agressives.

Leclerc avait déjà fait preuve de mauvaise volonté lors des négociations engagées par le gouvernement entre la distribution et les producteurs pour mieux rémunérer ces derniers. Bercy s’inscrit dans l’esprit de la loi qui a sanctionné ces négociations et prétend vouloir maintenir l’équilibre dans les relations commerciales. Il veut sanctionner le recours à des centrales d’achat étrangères et est obligé, en effet, de prendre des mesures en ce sens, sinon les groupes de distribution contourneront sans problème la loi de 2018.

Mais la question de la légalité des amendes infligées se posera vite, Leclerc et ses concurrents prendront sans doute appui sur la législation européenne pour conserver leur liberté d’action. En outre, les faits reprochés à Eurelec sont antérieurs à la loi votée l’an dernier. Ce qui affaiblit un peu plus la légalité de l’amende de 117 millions. La Justice, sans doute, sera amenée à trancher.

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22 juillet 2019 à 20:00

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