C’était il y a un an ; autant dire il y a fort longtemps. François Fillon, vainqueur haut la main de la primaire républicaine, est promis à l’Élysée. Pourquoi pas dès le premier tour de l’élection présidentielle, tel que pronostiqué par les sondeurs d’alors à propos d’un autre candidat malheureux, Édouard Balladur ?

Mais il y a un an, justement, Le Canard enchaîné rebat toutes les cartes en dévoilant les petits arrangements de son épouse, la très discrète Penelope. Des années durant, elle est attachée parlementaire de son époux, sans manifestement se tuer à la tâche, tout en écrivant pour la Revue des deux mondes, sans transpirer plus que de raison sur son clavier. Sans être faramineuses, les sommes demeurent malgré tout rondelettes, surtout rapportées au salaire moyen de l’électeur.

Le procédé, guère élégant, est néanmoins de bonne guerre ; et tout aussi élégant que les costumes de François Fillon, offerts par un certain Robert Bourgi, bien connu du monde de la Françafrique et des intermédiaires libanais allant le plus souvent avec. Même avec un peu de retard à l’allumage, la riposte fillonesque consiste tout d’abord à traiter l’affaire par le mépris, puis à évoquer un « complot », une sorte de coup bas venu de haut.

Assez logiquement, la presse de droite embraye, Valeurs actuelles au premier chef, mais un peu moins Le Figaro, traditionnellement prudent en la matière. On évoque alors un « cabinet noir » élyséen qui serait tout dévolu à l’antisarkozysme de combat – avant de se recycler dans l’antifillonisme ? Alors, « complot » y a-t-il ? Et si « complot » il y a, vient-il de l’extérieur ou de l’intérieur ? Comme toujours ou presque, impossible d’apporter la preuve formelle dudit « complot », tout comme d’administrer celle de son inexistence. Ce, d’autant plus qu’il n’est pas besoin d’être « complotiste » pour savoir que les bureaux des affaires tordues sont aussi vieux que la politique elle-même ; Richelieu et César le savaient déjà.

À défaut de « complot » tangible, il n’empêche que campagne médiatique il y a ; laquelle arrange là aussi nombre de personnes dans l’entourage du candidat : les partisans d’Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy tout d’abord. Le premier parce que privé par François Fillon du destin national qu’il pensait lui revenir de droit (divin ?). Le second parce que n’ayant pas digéré la fameuse sortie de son ancien Premier ministre qui, à l’évidence, lui était destinée : "Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ?" Sans oublier Robert Bourgi, qui entend venger son ami Sarkozy, offensé par Fillon. Et puis, il y a encore les proches de l’étoile montante de l’étape, Emmanuel Macron, venus beaucoup de droite, un peu de gauche, et sûrement pas mécontents de voir s’affaiblir un candidat qu’il aurait été autrement plus difficile de vaincre qu’une Marine Le Pen.

Dans le camp de l’alors favori, on ne le défend que du bout des lèvres. Ce n’est pas tant sa personne dont on se défie, mais surtout celles de ses proches soutiens, ceux de la Manif pour tous et de ses épigones, pour aller court. Qu’il existe, au sein de la droite donnée pour être de gouvernement, des réseaux catholiques et conservateurs, c’est un fait. Qu’il en existe aussi qui puissent camper sur une ligne plus « progressiste » et plus « humaniste » en est un autre. Les premiers avaient et ont toujours – voire l’élection triomphale de Laurent Wauquiez – l’avantage du nombre. Les seconds bénéficient de l’influence médiatique, celle-là même qui a largement contribué à la défaite de François Fillon – seulement 200.000 voix de plus que Jean-Luc Mélenchon –, au-delà même des faiblesses intrinsèques du principal intéressé.

On n’est jamais trahi que par les siens et nul besoin d’un hypothétique « complot » pour que la mise à mort soit mise en œuvre : un concours de circonstances, un piteux système de défense et quelques bons amis peuvent suffire. À la place de Laurent Wauquiez, on surveillerait ses arrières.

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25 janvier 2018 à 18:47

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