À Harvard, un tribunal populaire pour virer l’un des avocats de Weinstein…

Ronald Sullivan

Harvard : l’université de l’excellence américaine. Il y a le MIT, Massachusetts Institute of Technology, pour les futurs ingénieurs, Harvard Business School pour les apprentis hommes d’affaires et, bien sûr, Harvard Law School qui forme les avocats. Pour des frais de scolarité très conséquents.

Une des maisons de la Harvard Law School, Winthrop House, va changer de doyen. Le premier Afro-Américain a être parvenu à une telle responsabilité, le professeur Ronald S. Sullivan Jr, sera congédié à cause des troubles causés par des étudiants qui lui reprochent de participer à la défense du célèbre Harvey Weinstein, le tout-puissant producteur sommé de rendre des comptes sur ses pulsions libidinales devant la Justice. Les étudiants s’agitent : protestations assises, escalades verbales, et ils demandent (par graffiti interposé) à leur doyen : « Du côté de qui êtes vous ? »

Le soutien de nombreux professeurs, faisant valoir que tout prévenu, quelle que soit l’ignominie de ses crimes, a droit à une défense, n’a pas suffi.

C’est un des attributs de la jeunesse que de tout savoir, mieux que tout le monde, et surtout ses aînés. Sans s’être penché sur les détails d’un dossier auquel ils n’ont pas accès, ils savent, avant même le jugement, que Harvey Weinstein est coupable et qu’il est de facto indéfendable. La tentation d’une Justice de type médiatique et à l’emporte-pièce sévit aussi dans la plus prestigieuse des facultés de droit américaine. Cela mériterait deux claques, une banane et au lit.

Nous sommes dans de beaux draps. Le droit à un procès équitable semble menacé outre-Atlantique. Si les pressions qui s’exercent sur un avocat à cause des personnes qu’il défend sont objectivement trop fortes, trop violentes, trop intimidantes, nous verrons sous peu se relever des tribunaux qui ressembleront à s’y méprendre à ceux des purges staliniennes ou à ceux de la Chine lors de la révolution culturelle qui se sont inspirés du prototype bien français : le tribunal révolutionnaire sous la Terreur.

N’allons pas croire que notre pays n’est pas, lui aussi, tenté de mettre sous tutelle ces avocats : il y a quelque temps, leur secret professionnel absolu était sur la sellette, menacé par le législateur qui voulait obliger les conseils fiscaux à dénoncer leurs clients.

Non, l’avocat n’est pas et ne doit pas être réductible à la cause qu’il défend. Toute tentative d’assimiler un avocat à la faute de son client est odieuse. Oui, la noblesse de l’avocat est bien de servir loyalement les intérêts de son client, et seulement ceux-ci. D’autres sont en charge de la justice et de l’équité, pas lui. L’avocat qui sauve la tête ou la mise de son client coupable fait très bien son travail, quelque déplaisir qu’en éprouvent les parties civiles, le ministère public, la société elle-même. S’il se sert du prétexte d’une erreur de procédure, eh bien, il ne fallait pas commettre cette erreur. Sans avocat, la Justice ne saurait être qu’une parodie.

Et puis, dans l’Évangile de Jean, Jésus désigne le Saint-Esprit comme l’avocat de la défense. Pour vous, je l’ignore, mais pour moi, je sais bien que j’aurai besoin de cet as du barreau au jugement dernier, et aussi d’une bonne dose de miséricorde.

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