29 mai 2005 : les Français disent non à l’Europe, une révolution interrompue

Chirac

Il y a, dans le scrutin du 29 mai 2005, comme une répétition générale de ce qui risque de se passer dans les années, peut-être même dans les mois à venir : une rébellion parfaitement démocratique contre un système politique qui ne l’est plus.

Ce jour-là, les Français se sont rendus en masse dans les urnes. Le pouvoir chiraquien pose aux électeurs une question très claire et très simple : « Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe ? » Près de 29 millions de Français, soit 70 % des inscrits, se dirigent vers les bureaux de vote.

Depuis le lancement de la campagne, l’oligarchie franco-européenne de droite et de gauche est pleine de certitudes : les Français n’ont-ils pas toujours approuvé les « avancées » vers l’Europe qu’on leur proposait ? Celle-ci n’est que le couronnement des précédentes. Valéry Giscard d’Estaing, ancien président de la République reconverti dans un militantisme européen non dénué d’ambitions personnelles (il rêve pour lui d’une présidence de l’Europe) et grand artisan de ce traité, est confiant : « C’est un texte facilement lisible, limpide et assez joliment écrit, estime-t-il. Je le dis d’autant plus aisément que c’est moi qui l’ai rédigé » (sic). La phrase fera florès. Giscard approuve bien l’idée du référendum et l’intitulé de la question posée au bon peuple, mais « à condition que la réponse soit oui », précise-t-il en plaisantant à demi. Il pronostique 53 % de réponses « oui ».

54,67 % de non !

Le soir du 29 mai, la douche est particulièrement glacée pour le camp du Bien. Ses adversaires, ceux qui ne comprennent pas, les étroits d’esprit qui dénonçaient la perte de la souveraineté nationale française au nom de la construction sans retour d'une Europe fédérale et libérale l’emportent par 54,67 % des bulletins « non » et 2,6 millions de voix d’avance sur les élites autoproclamées du « oui ».

L’onde de choc, enterrée dans le traité de Lisbonne fin 2007 sans la participation directe du corps électoral français - véritable viol démocratique qui se prolonge -, retentit dans la politique hexagonale jusqu’à aujourd’hui. C'est plus qu'une révolte, une révolution interrompue mais pas écrasée.

Jeune, moins cultivé, moins doué, moins franc que Giscard mais aussi mondialiste, ambitieux et dédaigneux du peuple et de la France, Emmanuel Macron est l'héritier du Chirac de 2005 : il est désavoué par les législatives. Les partis traditionnels de gouvernement de droite comme de gauche, qui avaient explosé en 2005, déchirés entre partisans du « oui » et du « non », ne s’en sont, au fond, jamais remis. Il en a ramassé les morceaux. Les grands médias, presse, télévision et radio confondues, qui avaient massivement mené la campagne du « oui » sont restés unanimes, on l’a constaté lors de la présidentielle avec cet appel massif à voter Macron. Mais, depuis, leur puissance et leur crédibilité sont parties en lambeaux.

La France du « oui » au référendum de 2005, venue de droite et de gauche, s’est unie en 2012 et en 2017 autour de Macron : cette France assoiffée de tranquillité paresseuse, tout sauf patriote, bien nourrie, qui a choisi l’argent contre toute autre valeur, cette caste tranquillement immigrationniste qui méprise les idées, les attachements et les conditions des autres, représente désormais moins d’un électeur sur quatre, tous soutiens de Macron au premier tour. Les autres se sont ralliés au candidat de la mondialisation au deuxième tour seulement. Ils ont cédé sous la contrainte des marchands de peur et des « matons de Panurge » chers à l'écrivain Philippe Muray lorsqu'on leur a décrit les futurs ravages de la croquemitaine Le Pen.

Bourgeoisie des grandes villes

À propos de ces 20 à 25 %, de cette frange mondialiste et autoritaire, l’ancien conseiller de Hollande Aquilino Morelle cite, dans son excellent livre L’Opium des élites (Grasset), cette phrase des Misérables : « La bourgeoisie est tout simplement la partie contentée du peuple. Le bourgeois, c’est l’homme qui a maintenant le temps de s’asseoir. » La bourgeoisie des grandes villes a le temps de s’asseoir, de protéger ses intérêts, d’applaudir le déplacement des migrants de son pas de porte vers les campagnes : il faut accueillir le monde entier, c’est plus gentil, mais pas chez moi. Que ces migrants aillent donc chez les gueux qui votent mal !

Tout irait bien pour nos bourgeois mondialistes repus s’ils ne vivaient sous la menace de cette épée de Damoclès, de ce peuple réfractaire qui renâcle à la pédagogie façon marteau-pilon, non parce qu'il n'a pas saisi l'Europe qu'on fait semblant de lui proposer, mais parce qu’il a trop bien compris. Ventre affamé n’a point d’oreilles, affirme le dicton. Ces oubliés se sont soulevés au moment des gilets jaunes avant que l’extrême gauche ne récupère le mouvement.

Macron se dresse ainsi depuis son arrivée sur le ring politique comme le dernier rempart du mondialisme ; il sera son dernier militant. Ainsi, tout est prêt dans la France de 2023 pour un nouveau référendum de 2005. À ce peuple qui refuse sa propre disparition, il ne manque que l’occasion de s’exprimer et de s’unir.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

23 commentaires

  1. @Jean-Michel ROBERT : Oui ! Chirac, un des pires présidents…. mais derrière macron.

  2. Bien sûr CHIRAC est le plus grand traitre. Au début de son septennat, VGE avait nommé CHIRAC premier Ministre mais ce dernier n’a fait que des conn… donc VGE l’a viré. en 81, CHIRAC pour se venger a demandé à ses troupes de voter MITTERRAND disant qu’on allais reprendre le pouvoir dans la rue !!! Ca a duré 14 ans, Ensuite CHIRAC et sa clique (JL Debré etc.) on voté pour HOLLANDE contre SARKO
    pour moi, CHIRAC est le pire des hommes politiques que nous avons eu à subire

  3. C’est depuis cette date de 2005 que je ne crois plus en la Droite, c’est à dire « la France d’abord » ou comme pourrait le dire Trump « French First »….Pour une Immigration correcte dans les normes mais pas organisée en déroute par la Gauche aux ordres d’ailleurs…Et certainement pas avec la religion Woke pour le décor, qui bientôt sera au centre du Plateau…
    On s’est quand même bien fait avoir avec Sarkozy…..
    Donc maintenant faisons monter celui bien structuré qui depuis plus de 30 ans dit et écrit dans la même direction….Il en restera bien un peu de Droite s’il est élu en U E et en France…..La Reconquête est en marche….

  4. Il faut de toute urgence 2 référendums : le 1er pour valider la majorité qui demande l’arrêt de l’immigration, le second pour valider la majorité de citoyens responsables qui préfèrent le travail au chômage et à la décadence liés au mondialisme économique totalement déloyal et malhonnête.

  5. L’EU n’est devenue qu’une vulgaire dictature incontrôlable, aux mains de la Germany.
    Je suis assez vieux pour avoir connu la CECA qui n’était pas le projet qui conduisit à cette monstrueuse EU.

    • né en 1946 j’ai bien compris les projets néfastes qu’ils veulent nous imposer ; et pourtant le non en 2005 m’avait réconforté ceux sont des enflures

  6. les français dans leur clairvoyance avaient dit non. Ignorants que le processus était engagé depuis des années. Ce référendum n’a été qu’une mascarade. Quelques années plus tard Sarkozy nous remettait dans le chemin tracé par les USA dès la fin de la guerre. Comme par magie, les autres pays ayant dit non disaient oui eux aussi !

  7. Excellentes observations ; en effet , il ne manque au peuple que la possibilité de s ‘exprimer , mais si par chance c ‘était le cas , serait il enfin écouté ? depuis des années , on n ‘ écoute plus le peuple , au contraire , on fait tout dans son dos et même contre lui ; et ce n ‘est pas macron , pourtant minoritaire , qui changera le cours ; à nous de nous imposer .

  8. Vous avez tout à fait raison. Il faut redonner la parole au Peuple méprisé pour remettre en cohérence légalité et légitimité du Pouvoir. Le statu quo est lourd de menaces sociales, car le mécontentement populaire croissant ne va pas toujours se manifester par un abstentionnisme électoral croissant. Il n’y a pas qu »au cinéma que la cave se rebiffe !

  9. Quand on voit la consultation à Paris pour le périf qui a recueilli une écrasante majorité d’avis négatifs et que mme Hidalgo, comme à son habitude, a balayé d’un revers de main. Le PEUPLE est bafoué, humilié et qui va s’étonner qu’il n’aille plus voter ?

    • Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 1793, article 35.
      « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »

  10. Macron se dresse ainsi depuis son arrivée sur le ring politique comme le dernier rempart du mondialisme ? Vraiment.
    il me semblait d’un autre camp, celui de la finance qui ne connait pas de patrie.

  11. « C’est un texte facilement lisible, limpide et assez joliment écrit, disait Valéry Giscard d’Estaing » mais la seule version disponible était un extrait contenu dans un tout petit livre de 2 cm². Comment dès lors faire confiance à ces bateleurs. Ils ont su nous prouver que nous avions raison, mais ils sont toujours là.

    • « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. » (Comment je vois le monde (1934) de Albert Einstein)

    • Hélas ! trois fois hélas ! Il fut un temps ( ou dans d’autres contrées) où les militaires prenaient les rênes, comme Napoléon l’a fait pour faire cesser la chienlit de la révolution française…

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