Sapristi ! 150.000 euros pour transbahuter le Premier ministre, Sébastien Lecornu, Barbara Pompili et des journalistes de Paris dans les Hautes-Alpes, en aller-retour, c'est ce que révèle Le Canard enchaîné, le 5 septembre. "C'est compliqué de déplacer un Premier ministre, et c'est cher", justifiait-il déjà, en décembre, tancé pour son vol Tokyo-Paris à 350.000 euros. Et dire qu'on nous exhorte à faire des « efforts » !

150.000 balles, et tout ça pourquoi ? Pour annoncer, aux Assises de l'eau se tenant à Saint-Michel-de-Chaillol (un village de 315 habitants à une trentaine de kilomètres de Gap), "la dotation de deux milliards d'euros sur cinq ans aux collectivités pour rénover leurs réseaux d'eau" ! Parce que ce déplacement, c'était une question de "respect des territoires", considère le rapporteur du budget LREM Joël Giraud. La preuve que le gouvernement se soucierait de la France des champs et non pas seulement de celle des villes ? Ah, le respect ! Les retraités à qui il promettait, candidat, « de maintenir leur niveau de vie » en savent quelque chose... Et puis, faut pas exagérer, le cargo militaire "n'était ni un avion de luxe, ni un déplacement confortable". On n'ose imaginer le montant de la virée si cela n'avait pas été le cas...

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, n'est-ce pas ? Car le Premier ministre aurait pu s'en épargner, des soucis – entre cargos militaires en panne, cargo dans l'impossibilité de voler pour cause de mauvais temps et hélicoptères réquisitionnés -, sans parler de gagner un temps précieux ! Comment ? De sa belle plume apprendre la bonne nouvelle aux représentants de ces collectivités dans une lettre joliment tournée. Ou, plus moderne, par courriel, avec une élégante police de caractère, de couleur verte pour bien marquer l'air du temps. Mais non, il a opté pour un bon bol d'air frais des montagnes et payer de sa personne. C'est vrai, aussi, qu'il connaît le coin et l'apprécie : il y a passé une partie de ses vacances, puisque sa belle-famille y a un chalet, nous révélait la presse cet été.

En tout cas, quel dépensier ! Rappelez-vous, en décembre 2017, la « nécessité » de rentrer de Tokyo avant le départ de son patron, qui nous avait donc coûté 350.000 euros, en raison de l'affrètement d'un A340 privé au lieu du A340 de l'armée de l'air, jugé inconfortable. Inconfortable, alors que cet Airbus contient 275 places et que la délégation Philippe comptait 60 personnes ? Il n'a pas dû souvent profiter de quatre places libres dans les bétaillères de classe économique, lui !

Bref, on ne va pas refaire un pataquès, cette fois, pour 150.000 malheureux euros, estimation du Canard en fonction des évaluations de la Cour des comptes, ni même - ça change tout - pour 80.000, selon Matignon...

Faire des efforts, qu'on nous dit ! Et où passent leurs fruits ? Rien que pour le budget de l'Élysée, il s'élève à 103 millions d'euros en 2018 (contre 100 en 2017), consacrés aux deux tiers en rémunération de personnel (une ruche de 800 personnes). Et quand le Sénat demande la fiche de paye de l'une de ces personnes - le sieur Benalla, en l'occurrence -, l'Élysée brandit le joker de la séparation des pouvoirs. Pas de séparation pour ceux qui ont, non pas le pouvoir, mais le devoir de payer en faisant des efforts, encore et toujours des efforts : c'est la même poche !

"Polémique inutile", balaie d'un revers de main le rapporteur du budget Joël Giraud, à propos de ces 150.000 euros de dépense pour quelques petites heures de déplacement. "J'assume tout", répondait Édouard Philippe à propos du prix exorbitant de son vol Paris-Tokyo. Mais ils n'assument rien du tout, ces élus de la République ! Nous payons leurs virées et, en retour, ils se payent notre tête. Échange de bons procédés, finalement.

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06 septembre 2018 à 19:08

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