« La haine n’est jamais le dernier mot de l’Histoire »

Un an après l'assassinat du père Jacques Hamel par des islamistes, Mgr Jean-Jacques Boulanger, évêque de Bayeux et Lisieux (diocèse voisin de celui de Rouen), répond aux questions de Boulevard Voltaire.

Rappelons que Mgr Boulanger publia, en 2005, un ouvrage sur le père Charles de Foucauld (1858-1916), assassiné dans le Sahara en 1916 : L'Évangile dans le sable : l'expérience spirituelle de Charles de Foucauld.

Monseigneur Boulanger, vous êtes l'évêque de Bayeux et Lisieux, le diocèse voisin du diocèse de Rouen, là où le père Hamel a été assassiné il y a presque un an. Vous étiez au JMJ lorsque cela s'est produit. Quelle a été votre réaction ?

D'abord, cela a été une grande émotion.
C'était un événement tout à fait inattendu.
Nous avons des liens avec les communautés musulmanes depuis déjà très longtemps.
Ce prêtre était aussi un homme de paix et de communion.
Nous étions environ 150 présents là-bas aux Journées mondiales de la jeunesse en Pologne avec les jeunes du Calvados. Ils ont été très touchés. Il a fallu un certain temps pour leur expliquer, gérer leurs réactions, puis ensuite pour prier avec cet événement.
Peu à peu, la paix est revenue.
Les évêques ont ensuite appelé à la paix et à continuer à établir des liens.
Depuis, je peux témoigner qu'il y a eu beaucoup de messages à la fois de responsables divers, mais aussi de musulmans. Il y a même eu un tableau offert récemment par un artiste musulman du Calvados en l'honneur du père Jacques Hamel.

Pour rappel, le père Jaques Hamel a été assassiné dans son église pendant la messe par deux jeunes musulmans radicalisés. Je suppose qu'il y a eu beaucoup de colère et d'incompréhension lorsque vous l'avez appris. Quel enseignement peut-on tirer de cet événement aussi tragique et quel message a-t-on envie de transmettre un an après ce drame ?

Vous avez tout à fait raison de dire que des jeunes ont été touchés et ont ressenti de la haine. C'est normal.
Nous sommes partis de cette phrase de Jésus de l'Évangile : "Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu."
On ne peut pas se réclamer de Dieu et commettre de tels actes. Ce n'est pas possible.
Les jeunes ont peu à peu compris que c'est plutôt en bâtissant des chemins de réconciliation que l'on peut témoigner de Dieu.
La haine n'est jamais le dernier mot de l'Histoire. C'est plutôt le pardon et la réconciliation.
Les différences nous blessent, mais aussi nous enrichissent les uns les autres.
Grâce au pape François, aussi, qui a prononcé un certain de nombre de paroles, on peut dire que l'ensemble des jeunes ont plutôt vécu ensuite un chemin de paix, de prières, et de réconciliation.

On vit quand même, en France, la réalité d'une radicalisation de plus en plus présente. Cet événement doit trotter dans la tête de plusieurs de vos prêtres. Qu'est-ce que vous leur dites ?

Certains sont découragés. Ils ont tenté des chemins de réconciliation. Ils sont allés à la rencontre de musulmans.
Il y a aussi eu des réponses positives de la part de musulmans.
Il y a aussi des hommes, des femmes et des jeunes de bonne volonté dans l'islam aujourd'hui.
Il faut aussi aider ces personnes-là qui sont parfois marginalisées dans leur propre religion.
En même temps, il faut aider nos prêtres à continuer ce chemin de réconciliation.
Ce n'est pas la haine qui peut nous aider à construire notre humanité.
C'est d'autant plus vrai dans la religion catholique. Jésus est mort sur la croix pour rassembler des gens très différents.

Mgr Jean-Jacques Boulanger
Mgr Jean-Jacques Boulanger
Évêque - Évêque de Bayeux et Lisieux

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