Va falloir s’occuper
Va falloir s’occuper, les amis. Contrairement à la grève qui durait « des fois trois semaines, des fois même trois semaines, voire même trois semaines », comme disait Coluche, le confinement, on l’a bien compris, durera longtemps. « Pour quinze jours au moins », qu’il a dit, l’autre jour, Macron. C’était évident. Pourquoi ne pas dire d’emblée les choses ? Parce que, on vous l’a dit et répété, les Français sont de grands enfants. D’ailleurs, voyez comment les policiers invitent poliment (pour l’instant) les gens à rejoindre leur chez eux : « Le confinement, ce n’est pas des vacances, rentrez chez vous. » « Le but du jeu, c’est de rester chez soi », déclare un garde républicain, du haut de son cheval d’armes. Parce que c’est un jeu ? La sortie pour faire pisser le chien ou se dégourdir les jambes, c’est au mieux une récré, la promenade du prisonnier. Hygiénique mais surtout pas ludique.
Le confinement va donc durer longtemps. « Dans combien de temps on arrive ? » Les parents connaissent cette phrase qui scandait jadis les longs voyages en voiture lorsque n'existait pas la tablette. « Bientôt ! » C’est-à-dire dans cinq minutes, dans un quart d’heure, dans une heure…
Alors, comme ce n'est pas pour bientôt, va falloir s’occuper. La télé ? « La télé ! », se lamenterait la regrettée Madame Mado, des Tontons flingueurs. Nous sommes tous, comme qui dirait, des « furtifs » un tantinet frustrés qui, de gré et maintenant de force, au lieu de descendre après le dîner, doivent désormais rester devant leur télé. On ne mourra peut-être pas du coronavirus, mais avec l’info en continu sous perfusion, la dépression à grande échelle menace, l’alcoolisme et son cortège de fléaux sociaux, comme on disait au temps de Zola. Cela dit, pour faire face, sont capables de réinventer la prohibition. Pas plus d’une bouteille d’alcool par semaine et foyer, cartes de rationnement à l’appui. L’administration française a de la mémoire, dans ces cas-là. Et puis, attention, le 8 avril, pleine lune…
Pour ceux qui veulent échapper à la télé et à l’alcool, il y a aussi la lecture. Pour ceux qui savent encore faire, bien sûr. Mais prudence, ça c’est comme le sport : on ne se lance pas sur un marathon sans entraînement. Donc, pas la peine de s’attaquer à À la recherche du temps perdu de Proust, histoire de retrouver le temps qu’ils nous font perdre actuellement. Sept tomes, des milliers de pages écrites en tout petit. Faut s’accrocher. Passé « longtemps, je me suis couché de bonne heure », on en a retrouvé plus d’un, sur le coup de minuit, avec la première page imprimée sur la joue.
Tiens, un bouquin pas trop long et qui est de saison par les temps qui courent (attention, autour du pâté de maison, pas plus loin) : Voyage autour de ma chambre. De Xavier de Maistre. Certes, c’est pas d’hier : 1794. Jeune officier de l’armée piémontaise, de Maistre se bat en duel et écope d’une mise aux arrêts par son colonel. 42 jours : un confinement balaise. Le gars, il s’emmerde et, du coup, prend sa plume et écrit ce roman. La préface d’une réédition d’avant-guerre (celle de 14, pas de Macron) nous dit que Xavier de Maistre était « la veille, un aimable cavalier, un spirituel étourdi, un oisif que tentaient d’ailleurs toutes les aventures ; le lendemain du jour où ces quatre-vingts pages furent écrites, il devenait, et pour toujours, un des écrivains les plus exquis de la langue française. » Cela va sans doute donner des idées à tout un peuple d'aimables confinés et le pire est à craindre du côté de l'édition, lorsque la guerre sera finie.
Du même auteur, on lira aussi Expédition nocturne autour de ma chambre, Le Lépreux de la cité d’Aoste et Les Prisonniers du Caucase. Évidemment, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne saurait être que fortuite.
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