[UNE PROF EN FRANCE] L’IA pour remplacer les enseignants ?

ENFANT ORDINATEUR

Une IA pour remplacer les enseignants : c’est la réalité, pour des centaines d’élèves américains. Certains en rêvent quand les professeurs français font grève ou qu’un enseignant est malade pendant plusieurs semaines… Mais au fond de nous-mêmes, nous gardons la certitude qu’un professeur, pas plus qu’un père ou une mère, ne saurait être remplacé par une machine. En effet, le métier ne se résume pas à la transmission de contenus, de savoirs, sinon les livres auraient déjà pu nous remplacer avant même l’arrivée des podcasts et des logiciels éducatifs.

L’expérimentation se fait dans certaines écoles du Texas et de Floride sous la houlette d’Unbound Academy pour environ 250 élèves du CM1 à la 4e. On nous explique (Le Figaro Étudiant, 24/1/2025) que « la matinée est consacrée à la lecture, la grammaire, les mathématiques et les sciences, tandis que l’après-midi est consacré à des enseignements pratiques tels que le codage informatique, la communication, le travail d’équipe et l’entrepreneuriat ». Les « humains » sont toujours présents, car il faut bien surveiller les élèves : ils sont donc relégués à des tâches de garde-chiourme, quand la primauté intellectuelle est conférée aux machines. Espérons qu’ils utilisent une autre IA que ChatGPT.

Ma fille de 12 ans a eu un moment de paresse et a confié son exercice de grammaire à ce bel assistant, prétendument plus performant que 150 cerveaux réunis. Résultat : elle a recopié fidèlement que dans la phrase « il mettait une assiette d’étain sur son nez », « nez » était COD de mettre, et dans la phrase « les pièces de monnaie pleuvaient sur le tapis », « pièces » était COD de pleuvoir… Ce n’est pas encore très convaincant, et kapo-maman a dû repasser derrière pour inviter sa fille à rebrancher son cerveau et à lui faire confiance au lieu de révérer la machine-qui-ne-peut-pas-se-tromper. Les erreurs commises par l’IA sont innombrables, dans tous les domaines, et elle n’est en rien une source fiable de connaissances, du moins pour le moment - si l’on veut faire plaisir aux plus optimistes.

Cette expérimentation qui va avoir lieu aux États-Unis entre, d’une certaine manière, en contradiction avec la décision prise par plusieurs écoles new-yorkaises d’interdire totalement l’usage du téléphone dans leur établissement (et même la possession sur soi dudit téléphone), décision qui a porté de tels fruits que le gouverneur de New York envisage d’étendre cette interdiction à l’ensemble de l’État. D’un côté, nous avons les chantres du tout numérique et, de l’autre, ceux qui prônent une saine déconnexion et qui louent ses vertus en mettant en avant l’attention retrouvée des élèves, leur meilleure capacité de concentration et la hausse de leurs performances. Qui suivre, finalement ? Vous imaginez bien que mon cœur penche assez nettement du côté des numérico-sceptiques. Non que je sois une passéiste-décalée-adepte-du-retour-dans-les-grottes, contrairement aux accusations proférées par mes enfants quand je réitère pour la cinquantième fois mon refus de leur acheter un smartphone, mais je garde une profonde méfiance face aux distractions récréatives et addictives qu’incarnent absolument, à mes yeux, la plupart des écrans et je reste perplexe face au rapport ambigu que notre société entretient avec la notion de vérité.

Je vous donne un exemple. Un sondage OpinionWay de 2024 auprès des 16-24 révèle l’effondrement de la culture historique des jeunes après plus de dix ans de scolarisation : près de la moitié d'entre eux ne savent pas dater la Révolution française, seuls 23 % d’entre eux savent quand la peine de mort a été abolie en France, 54 % n’ont aucune idée de ce qu’est « la solution finale » et 61 % ne savent pas ce qu’est la rafle du Vel' d’Hiv', voire déclarent ne jamais en avoir entendu parler (38 %). Dans cette situation, on pourra modifier absolument tout ce que l’on veut dans le discours historique tenu et l’IA pourra fabriquer autant d’images et de textes qu’elle voudra sans que plus personne ne soit en mesure de la corriger ou de canaliser les humains qui tiennent les manettes dans les coulisses et la programment. Quand on fait une recherche dans Google Images sur la rafle du Vel' d’Hiv', on retrouve souvent la même photographie, qui est utilisée sans discernement par les journalistes et les rédacteurs des sites Internet. Les algorithmes des moteurs de recherche, comme l’IA, font le tour de la Toile et les erreurs ou mensonges répétés 10.000 fois deviennent des vérités. Ainsi, la photographie censée témoigner de la rafle, et que l’on retrouve dans de nombreux articles de presse, est en réalité « un cliché montrant des Français soupçonnés de collaboration, enfermés au Vel' d’Hiv’ après la Libération » (Science & Vie, 1/2/2025, Photos, IA et désinformation historique). Sans culture personnelle, on ne peut pas exercer son esprit critique sur le flux continu d’images, de vidéos et de textes dont on est aujourd’hui submergé.

En laissant l’IA enseigner dans les écoles, c’est d’une part toujours plus grande d’esprit critique que l’on risque d’amputer la jeune génération.

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Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

47 commentaires

  1. Remplacer ou aider les enseignants avec Lucie, ce processeur IA, source de bévues, dont « l’invention » de l’oeuf de vache !?
    Et si l’on formait effectivement les profs au lieu de leur imposer des tâches de plus en oplus inutiles ?

  2. Jamais l’IA ne pourra remplacé le coté humain et le coté parentale, qu’apportent, un instituteur, une institutrice, un Professeur, où une Professeure, aux prés des enfants, qu’ils soient tous petits, gamins, où adolescents ! Hervé de Néoules !

  3. Vous êtes trop polie et aimable en parlant de risques d’amputation de l’esprit critique : pour moi , voilà au moins 50 ans que plus de 75% de la population française a abandonné toute prétention à l’esprit critique et le covid en a fourni une excellente démonstration .

  4. Votre exemple de la photo est bon, mais vu que les enseignants s’appuient de plus en plus sur Internet, les moteurs de recherche et bientôt l’IA, cette photo servira de support pour le programme des enseignants, dont le niveau a beaucoup baissé, lui aussi.
    A la limite, l’enseignement par l’IA et quelques malabars pour faire régner l’ordre, si l’enseignement n’est pas parfait, au moins il n’y aura pas d’agression et ils apprendront la discipline.

  5. Si, il n’y avait que l’aspect culturel voire politique qui étaient malmenés voire déformés de leur réalité, l’on pourrait s’en accommoder mais, lorsque des algorithmes utilisent en boucles des malfaçons copiées collées sur Wikipédia et mettent en œuvre que ce soit en charpente, en maçonnerie, en plomberie, en électricité, bref, quelque soit le corps d’état, des âneries lesquelles, peuvent se révéler gravissimes. Alors là, on voit les limites de ce système. Ainsi, sur des murs de terre crue (pisé) on peut lire ; « Le support doit être purgé et dépoussiéré. L’humidifier avec de l’eau, bien humidifier le mur le soir et l’humidifier à nouveau le lendemain avant l’enduit appelé gobetis. » Faites cette opération telle que décrite et je ne donne pas plus d’une année pour que l’enduit sur le mur en pisé ne tombe à terre. À bon entendeur…

  6. Je ne pense même pas que l’IA relève d’un complot destiné à soumettre les populations, mais plutôt une solution de facilité mise à la disposition des concitoyens donc qui va en séduire plus d’un…
    Pour obtenir les bonnes réponses, l’IA nécessitera toujours de poser les bonnes questions !
    C’est à ce niveau que se fera la différence !

  7. L’I.A pour remplacer les professeurs ? Pourquoi pas au point où nous en sommes ?
    Comme de toute façon elle sera programmée « à gauche toute » par des techniciens « politiquement corrects » comme nos dernières générations d’enseignants, cela ne changera pas grand chose.

  8. Déjà, de base ; intelligence et « artificielle »… ça parait louche ! Mais le pire est sans doute devant nous.

  9. Effectivement, des machines à la place des professeurs cela peut angoisser, même si beaucoup de professeurs ne sont aujourd’hui que des sortes de perroquets conditionnés par un pédagogisme absurde.
    Mais que ne disait-on pas lorsque les premiers ordinateurs sont arrivés dans les classes, il semble que après pas mal d’excès, beaucoup en sont revenus à des méthodes plus classiques.
    La raison finira toujours par l’emporter. Enfin, espérons le.

  10. « 1984 » de George Orwell se profile inexorablement. On change l’histoire, on contrôle vos pensées… L’on peut dire que c’était un visionnaire. L’IA risque d’être une « fabrique à crétins » pour rappeler le livre de M. Desmurget. Dramatique…

  11. L’avantage de « produire » des ignares c’est qu’après on peut leur faire gober n’importe quoi et les emmener n’importe où avec de belles promesses

    • C’est exactement le projet de nos gouvernants. Comment aurions nous pu laisser l’éducation s’effondrer à ce point, si non

    • Je crois que c’est le but final… avec juste quelques vrais cerveaux pour diriger le troupeau d’ignares !

  12. Quant au smartphone, on ne parle même pas du grand danger que représentent pour la santé une trentaine de smartphone soi-disant éteints dans une classe…

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