Tovaritch Gérard Reneovitch Depardieu ? A voté !

Si Depardieu n’existait pas, il ne faudrait surtout pas oublier de l’inventer, sachant qu’une journée sans Gérard serait bien morne. Ainsi, ce dimanche dernier, l’a-t-on vu voter à l’ambassade de Russie à Paris, l’acteur étant sujet du nouveau tsar du Kremlin depuis janvier 2013.

Vladimir Poutine ? "Un homme avec un grand “H”, un humaniste !", affirme-t-il, la main sur le cœur. Ce dimanche, il y avait en effet élection présidentielle en Russie. On ne sait à qui Gérard Depardieu a apporté son suffrage, mais il n’est pas interdit d’avoir sa petite idée sur la question. Certes, avec 76 % des suffrages dès le premier tour, inaugurant un quatrième mandat, l’homme ne doit pas son triomphe à la voix du seul Gégé. Il n’empêche qu’un aimable coup de main ne saurait nuire à la traditionnelle amitié franco-russe.

Non sans surprise, la majeure partie de nos médias n’est pas à la fête. Ils en veulent à la fois aux Russes et à Vladimir Poutine : aux premiers qui ont offert au second une réélection de maréchal ; au second qui s’entête à vouloir privilégier les intérêts des premiers. Ce qui est bien le moins, objectera-t-on ; mais il est à croire que non. Alors, pourquoi tant de haine ? Historiquement, il est un fait que la seule période durant laquelle les Russes étaient un peu populaires en nos contrées fut quand ils nous faisaient le plaisir d’être communistes. Aujourd’hui, ils ne le sont plus, mais persistent à ne pas vouloir devenir « occidentaux ». Ce serait tellement plus simple si les Russes n’étaient pas russes.

Du coup, Gérard Depardieu, l’olibrius tabagique et porté sur la boutanche pire que le capitaine Haddock, modérément acquis aux revendications sociétales et tout aussi peu vétilleux quant à ses cinq fruits et légumes quotidiens, est maintenant sujet à la même opprobre. Une sorte de victime collatérale. Pourtant, en matière de cosmopolitisme farceur, l’ogre a donné quelques gages de poids, lui qui aime à se définir comme « citoyen du monde ».

Un jour en Belgique, l’autre en Russie, en attendant de s’en aller en Algérie voir si les prairies y sont plus vertes : dans le registre de l’homme aux semelles de vent, voilà qui a un peu plus d’allure qu’un tennisman ayant adopté la nationalité monégasque.

Mais on oublie peut-être ce petit détail voulant que « l’ouverture à l’autre » obéisse à des critères éthiques scrupuleusement définis par les autorités morales du moment. Ainsi, « l’ouverture à l’autre », la vraie, consiste-t-elle avant tout à tendre les bras à « l’autre » à condition que cet « autre » cherche à nous ressembler. Dans le cas contraire, s’il persiste à demeurer « autre », il ne s’agit plus que d’un réactionnaire populiste ; bref, d’une bête féroce, tout juste bonne à être évangélisée.

Et Gérard Depardieu de blasphémer en persistant à aimer « l’autre » justement parce qu’il est « autre ». Il apprécie les Russes quand ils sont russes. Les Algériens lorsque algériens. Sans oublier les Belges soucieux de leur belgitude. En ce sens, il ne fait pas mentir l’adage populaire, ou la sentence de comptoir, voulant que « l’ouverture à l’autre » ne soit pas la meilleure façon de mettre sa vertu à l'abri.

Ce qui n’est pas exactement le genre de notre Gégé national, surtout lorsque tourné cosaque.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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