Sommet international de la francophonie : des enjeux très idéologiques

Photo Gabriel Decroix pour BV
Photo Gabriel Decroix pour BV

Dans l'écrin splendide de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, un événement culturel, diplomatique et économique se tenait en grande pompe, vendredi 4 octobre : le Sommet international de la francophonie, sur le thème « Créer, innover et entreprendre en français ». Au-delà des enjeux linguistiques, les enjeux étaient très politiques. Et orientés.

Ce Sommet faisait partie des quatre fiertés françaises de 2024 que Macron avait annoncées pour ses vœux. Une certaine réserve était donc de mise. À cette occasion, BV a pu voir se bousculer 88 représentants de chefs d'État et de gouvernement, membres de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie), dans cette petite ville sinistrée, bastion du RN.

Au service d’une gouvernance mondiale

L'OIF [dont le Sommet est la plus haute instance] est le pendant francophone du Commonwealth. À ce titre, il se distingue de ses partenaires, l’Institut français et l’AUF (Agence universitaire de la francophonie), ainsi que de l’Alliance française, puisqu’elle va bien au-delà de l’enseignement et du rayonnement de la langue française.

Dans son discours, Emmanuel Macron a logiquement fait la promotion de la langue française, de son influence, de son universalisme, fort de ses particularismes. L’OIF prévient d’ailleurs, sur son site, que « la mondialisation fait peser un risque d’uniformisation des cultures ». Mais comme l’a rappelé Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale de l’OIF, l’organisation « se pose comme un acteur diplomatique, politique et de coopération très engagé sur les sujets globaux ». Dans ce sens, Macron a affirmé, dans son discours, que la francophonie était un lieu pour porter une diplomatie qui pouvait défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale, pour porter le même discours aux côtés de l’Ukraine. Il a ajouté qu’elle défendait une vision où « il n’y a pas de place pour les doubles standards », où toutes les vies se valent pour tous les conflits à travers le monde. « Nous tous, croyons à la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes », feinte le Président, évoquant aussi le conflit israélo-palestinien, l’Arménie, le Liban et tous les États du Pacifique. Des beaux principes qui sont des gros mots quand il s’agit de la France et des Français.

Contrôler le numérique

« C’est ensemble en francophones qu’il nous faut […] aussi bâtir un ordre numérique protégeant les citoyens […] que nous devons mieux lutter contre la désinformation, la propagation de la haine en ligne, les discours de haine, les discours racistes, les discours antisémites », déclare encore le Président.

En amont de la conférence de Bruno Patino, président du comité de pilotage des États généraux de l’information, il prévient : « Aujourd’hui, nous lançons un appel extrêmement clair avec les acteurs du numérique pour bâtir un espace plus sûr et plus divers, pour avoir une exigence de modération en langue française, et pour lutter contre tous ces discours de haine ».

À cet égard, le 24e article de la Déclaration de l’OIF, acteur central de la francophonie" à l’issue du Sommet est sans équivoque : elle salue notamment la « Déclaration d'Abidjan du 24 avril 2024 visant au renforcement du dialogue entre les régulateurs et les grandes plates-formes en ligne sur le continent africain et dans l’espace francophone ».

Nous pouvons donc compter sur le DSA [Digital Services Act/Règlement sur les services numériques, NDLR], qui vise à harmoniser les contenus en ligne, en bonne novlangue, afin de garantir une information fiable et sécurisée. C’est ainsi que plusieurs influenceurs, médias et associations dits « patriotes » avaient vu leur compte Instagram suspendu ou bloqué, à la fin de l’été.

Sarah Knafo, députée européenne Reconquête, expliquait ainsi dans nos colonnes que le DSA « offrait aux GAFAM un cadre pour nous museler ».

Le Sommet international a montré que la francophonie était une grande communauté où la langue n’était pas la seule priorité. Elle peut se comprendre comme un moyen au service d’une gouvernance mondiale, laissant peu de place à la pluralité d’opinion.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 12/10/2024 à 16:30.

Gabriel Decroix
Gabriel Decroix
Étudiant journaliste

Vos commentaires

12 commentaires

  1. Qu’un président de France s’exprime en anglais ne va pas nécessairement déforcer la langue française. Ce qui est intolérable, c’est le fait que tant l’expression orale qu’écrite de nos journalistes soit truffée de termes anglais. Ne parlons pas de la publicité où c’est pire: les magasins « discount » les bistrots proposant une « happy hour », j’en passe et des meilleures. N’y a-t-il pas un organisme chargé de mettre les publicistes au pas ?

  2. L’OIF, toujours présidée par la représentante d’un État, le Rwanda, qui a choisi l’anglais comme langue seconde à l’école (6 % de sa population parle le français), a encore constaté que plusieurs des représentants d’États et de gouvernements membres n’ont pas pu prendre la parole en français tellement cet idiome leur était étranger. Emmanuel Macron, l’hôte, a fait en sorte que la carte d’identité nationale soit désormais aussi en anglais, qu’on y organise des salons du Made in France, que son initiative d’attraction internationale s’appelle French Touch, au mépris de sa propre loi Toubon . OIF, faites-moi rire.

  3. D’après ce que j’entends lors de reportages en Tunisie et au Liban, au CongoRDC aussi, ces pays n’ont pas vraiment de populations francophones. Les « élites » s’expriment encore en français, la francophonie de vient arabe, russe, chinoise et tout le monde parle globish.

  4. Ah… la lutte contre la « désinformation » ou plutôt la « réinformation » dirais-je, énoncée comme axe de travail prioritaire par Ursula VDL et Macron au dernier forum de Davos (janvier 2024)… Surtout, ne pas entraver le grand œuvre des chambellans du nouvel ordre mondial piloté par la franc-maçonnerie !

  5. Nous avons un président qui « défend » la langue française ; c’est d’ailleurs pour cela qu’il s’exprime aussi souvent qu’il le peut en …. Anglais !!

  6. Toujours du en même temps…la subvention à La Défense de la langue Française a baissé et le président s’exprime en Anglais lorsqu’il est en Allemagne…

  7. Mis à part le nombre de femmes voilées qui augmente chaque année… je ne vois pas trop bien en quoi Villers-Cotterêts est une ville sinistrée!! Les Cotteréziens apprécieront!

  8. Faut bien trouver d’autres éléments rassembleur car au train ou l’école dégringole, dans 10 ans nous ne pourrons plus prétendre en faire partie… de la francophonie

  9. Le tiers monde nous ruine , le budget de l’agence pour le développement est de 13 milliards d’euros par an .
    Argent le plus souvent investi a fond perdu

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