Sécurité des centrales nucléaires : Greenpeace se pose en expert

Greenpeace a remis, mardi 10 octobre, à divers grands pontes du nucléaire civil un rapport sur la sécurité des centrales belges et françaises. Ce texte, rédigé par sept experts indépendants mandatés par l’organisation écologiste, ne sera pas rendu public. L’enceinte de confinement des piscines de refroidissement ne résisterait pas à une attaque terroriste. Ce rapport est accompagné d’une injonction de durcir ce bâtiment, au nom de la sécurité des riverains.

Greenpeace est-il crédible dans sa démarche du rapport secret dont on publie cependant la quintessence des conclusions ? Le fait d’avoir une opinion tranchée et militante (sortir du nucléaire) n’empêche pas une démarche analytique, sérieuse et rigoureuse. Il faut s’assurer que les experts mandatés en sont bien, et qu’ils sont vraiment indépendants, honnêtes et compétents. Et - sans doute plus compliqué - qu’ils disposent d’assez d’informations exactes. Ceci n’induit aucune présomption d’exactitude ou d’exhaustivité de leurs travaux et de leurs conclusions, mais n’interdit pas non plus qu’ils puissent avoir raison, dans l’ensemble ou sur des détails.

Autre démonstration, sans doute moins probante : des militants de l’organisation sont parvenus à entrer sur le site de Cattenom et à tirer un feu d’artifice à proximité d’un de ces bâtiments de refroidissement. Certes, un feu d’artifice, ce n’est pas 250 ou 500 kilos d’explosif, mais il y a indubitablement des carences dans la sécurité anti-intrusion. Cette blague de potache aurait pu devenir tragique : un ministre de l’Intérieur un brin sérieux déciderait de modifier les règles en obligeant les gendarmes à faire usage de leurs armes en cas d’intrusion illicite.

À y bien réfléchir, les terroristes ne sont qu’un type de belligérant à envisager, et sans doute pas les plus dangereux : des militaires d’un pays en conflit pourraient aussi identifier ces cibles et s’y attaquer avec des moyens bien plus dangereux que des couteaux, des explosifs ou des camions, voire même des avions - des missiles, par exemple. Réjouissons-nous : il n’y a pas, aujourd’hui (à ma connaissance), d’État avec qui nous aurions ou pourrions avoir un conflit qui ne saurait être résolu que par la guerre. C’est le dividende de la force de dissuasion : nous sommes un adversaire assez crédible pour inciter à user des voies diplomatiques.

Nonobstant ce qui précède, des combustibles usés et hautement radioactifs sont stockés dans des conditions de sécurité qui ne sont pas optimales du fait de l’évolution des menaces depuis l’époque de la conception de ces centrales. Le coût des investissements à réaliser serait, selon l’organisation écologiste, très significatif. Alors, il y a un inconvénient majeur : ce coût ne s’imputera que sur la production électrique future de centrales déjà anciennes, et son absorption aurait des répercussions sur le tarif de l’électricité. S’il ne peut en profiter pour augmenter sans contrôle ses tarifs, nul doute que notre opérateur tentera tout pour éviter ou minimiser ces travaux. La sécurité des riverains n’est, tout compte fait, qu’une variable d’ajustement de ses bénéfices, cela avait déjà été constaté lors des discussions sur les méthodes d’enfouissement des déchets ou pour retarder le démantèlement des centrales.

Et ne doutons pas un seul instant qu’il affirmera, avec l’assurance péremptoire de circonstance, que le kilowattheure d’origine nucléaire est le moins cher et que la filière électro-nucléaire française est la plus sûre du monde. Circulez, il n’y a rien à voir. Pas même un feu d’artifice.

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