Réduire les émissions de gaz à effet de serre du trafic aérien : un vœu pieux ?

avion

Les années noires du Covid-19 avaient engendré un effondrement du trafic aérien (par rapport à 2019) : 60 % en 2020 et 49 % en 2021. La reprise amorcée en 2022 s’est fortement amplifiée en 2023. À la fin de cette année, le trafic devrait retrouver son niveau de 2019. Au cours de la prochaine décennie, il devrait continuer de croître à un rythme annuel de 3 %.

Si les Européens sont aujourd’hui plus enclins à troquer le train contre les vols intérieurs, les citoyens des pays émergents continuent de porter un marché en pleine croissance. Alors qu’en 1990, les pays de l’OCDE comptaient pour 85 % du trafic mondial, en 2017 ce chiffre était tombé à 49 %. Selon l’Organisation internationale de l’aviation civile, les 4,5 milliards de passagers 2019 devraient doubler.

Cette tendance s’est confirmée lors du salon du Bourget. La compagnie indienne IndiGo a annoncé avoir commandé 500 Airbus A320 pour la somme vertigineuse de 55 milliards d’euros. Il s’agit du plus important contrat jamais conclu dans l'aviation civile. Les appareils seront livrés entre 2030 et 2035. Parallèlement, la compagnie saoudienne Flynas a confirmé une commande de 30 A320.

Sans grande surprise, les pays émergents ne semblent pas suivre les recommandations de Jean-Marc Jancovici d’imposer, pour raisons climatiques, un quota de quatre vols… par vie ! Une fois encore, les citoyens européens risquent de se « suicider sur l’autel de la vertu » sans pour autant beaucoup impacter le climat.

Le trafic aérien émet annuellement 1 GtCO2, soit 3 % des émissions mondiales (cinq fois moins que les voitures individuelles). La réduction du trafic aérien n’étant pas pour demain, est-il pour autant possible de le décarboner en substituant au traditionnel kérosène (du pétrole raffiné) des carburants verts ? Trois solutions sont proposées.

Les biocarburants

Les réacteurs des avions actuels peuvent fonctionner sans modifications majeures avec des carburants composés pour moitié de kérosène et pour moitié de biocarburant fabriqué à partir d’huiles végétales. Les biocarburants aériens présentent les mêmes inconvénients que les biocarburants routiers : importante surface agricole, forte demande en eau, autoconsommation importante et surtout concurrence avec la filière alimentaire.

L’hydrogène

Pour des raisons de poids, la propulsion électrique avec batteries lithium pourra difficilement s’appliquer au transport aérien. En revanche, la propulsion à hydrogène peut s’appliquer aux avions. Le moteur à hydrogène n’est pas un moteur thermique mais un avion électrique fabriquant son électricité en combinant l’hydrogène à de l’oxygène dans une pile à combustible. Avant 2030, des avions de huit places d’une autonomie de 1.500 kilomètres seront opérationnels. Rappelons toutefois que, contrairement aux hydrocarbures, l’hydrogène n’existe pas à l’état naturel et doit être fabriqué à partir d’électricité. Dû aux transformations successives le rendement énergétique final peut être inférieur à 10 %. Enfin, très inflammable et très explosif, l’hydrogène peut poser de potentiels problèmes de sécurité.

Les e-fuel

Cette troisième filière consiste à fabriquer un kérosène synthétique à partir d’hydrogène et de CO2 issu d’installations industrielles. L’avantage est leur compatibilité avec la motorisation thermique actuelle. On élimine également les éventuels problèmes de sécurité. Son inconvénient est évidemment de nécessiter une transformation chimique supplémentaire réduisant d’autant le rendement.

Bien que techniquement prouvées, ces trois alternatives au kérosène ne pourront fournir, à l’horizon 2050, les volumes de carburant suffisants pour satisfaire le doublement du trafic aérien. Ratifiée par 42 pays (dont le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Union européenne) en février 2022, la « déclaration de Toulouse » appelle l’ensemble des pays du monde à accélérer la transition du secteur de l'aviation afin d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. Elle risque, hélas, de rester lettre morte dans la mesure où, à ce jour, aucun pays émergent ne l’a signée.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 23/06/2023 à 6:47.
Philippe Charlez
Philippe Charlez
Chroniqueur à BV, ingénieur des Mines de l'École polytechnique de Mons (Belgique), docteur en physique de l'Institut de physique du globe de Paris, enseignant, expert énergies à l’institut Sapiens

Vos commentaires

32 commentaires

  1. Les ECOLOS sont nuisibles. Par exemple, on devrait obliger les parc d’éoliennes à faire l’hydrolise de l’eau pour produire de l’hydrogène et de l’oxygène. car le vent ne souffle pas tout le temps. On aurait ainsi le carburant le plus propre.

  2. Au dessus de Saint Paul sur Ubaye, il passe un avion de ligne toutes les 2 minutes…..à raison d’une consommation de carburant de 8 tonnes heures. On trouve dans les grandes surfaces des oignons venant de Nouvelle Zélande , mais aussi de l’ail du Chili. Compte tenu qu’il faut acheminer soit par avion soit par bateau ces produits (un porte container peut consommer jusque 10000 tonnes de fuel lourd pour parcourir ces distances) que de progrès reste t-il à accomplir

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