[Réaction] Sénateur Brisson : « Il y a un climat d’insécurité et de violence qui peut gangrener la vie scolaire »
Le sénateur Les Républicains et ancien inspecteur de l’Éducation nationale Max Brisson réagit pour BV au meurtre du professeur d’espagnol du lycée privé Saint-Thomas-d’Aquin de Saint-Jean-de-Luz. Jeudi, il s’est rendu sur place aux côtés du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Pap Ndiaye, en soutien au corps professoral, aux familles et aux élèves. Il décrit un un lycée sélectif et très réputé sur la côte basque, où l’ambiance est calme et sans insécurité. « Un élève qu’on ne pouvait pas soupçonner de commettre un tel acte un jour », nous dit-il. La victime était, selon Max Brisson, « une très gentille collègue et un excellent professeur ».
Jordan Florentin. Un professeur d’espagnol du lycée Saint-Thomas-d’Aquin de Saint-Jean-de-Luz a été poignardé par un élève. Cet adolescent est en garde à vue. Que savez-vous de lui ?
Max Brisson. Le procureur de la République va bientôt s’exprimer. Aucun signalement n'avait été fait sur ce garçon. Il avait passé son brevet des collèges l’an dernier avec la mention « très bien ». Il était dans une filière d’excellence et préparait le bac franco-espagnol dans un lycée accueillant beaucoup d’élèves venus d’Espagne. Ils ont un très haut niveau en espagnol, car c’est leur langue maternelle. C’est un lycée d’excellence. Cet élève ne posait pas de problèmes particuliers, ni dans le collège public où il était l’année dernière à Saint-Jean-de-Luz, ni au lycée privé dans lequel il était entré. Un lycée plutôt sélectif, très réputé sur la côte basque, le climat scolaire y est apaisé, les professeurs sont respectés. Cet élève n’était pas signalé pour une agressivité particulière, ses camarades le trouvaient un peu dans la retenue, il n’avait pas beaucoup d’amis car il n’y avait pas fait son collège.
J. F. Quelle a été votre réaction ?
M. B. Au-delà de mon rôle de parlementaire, j’ai été professeur et inspecteur général de l’Éducation nationale. C’est la sidération, car ce professeur était de grande qualité, chevronnée. Tous les collègues et les élèves en disaient le plus grand bien. La maire de Biarritz a scolarisé ses deux garçons dans ce lycée. Ils se rappellent parfaitement cette professeur d’espagnol, ils sont très tristes car elle les a marqués. Le directeur de l’établissement et ses collègues sont très affectés car Madame Lassalle y enseignait depuis 26 ans. Elle était réputée, reconnue et appréciée. C’est donc la sidération et une émotion considérable.
J. F. Y a-t-il une augmentation de l’insécurité en France, en particulier dans l’Éducation nationale ?
M. B. Je pense qu’il n’y a aucun lien. Il y a des volontés de connexion que je trouve abusives entre ce qui s’est passé : un garçon qui est passé à l’acte pour des raisons que nous ne connaissons pas encore - très certainement de l’ordre psychologique et qui seront établies par les médecins - et un climat d’insécurité et de violence qui peut gangrener la vie scolaire dans certains établissements. Je ne nie pas une réalité, comme vice-président de la commission Éducation au Sénat. Je connais cette réalité et j’ai souvent interpellé des ministres sur le sujet, mais dans ce cas, c’est un passage à l’acte dans un contexte où il n’y a pas de violence scolaire, où l’autorité des professeurs est totalement respectée, où le climat scolaire est extrêmement serein. Les élèves travaillent dans d'excellentes conditions. Les professeurs travaillent dans d'excellentes conditions. Vouloir faire une connexion, c’est utiliser un drame absolu : la mort d’un professeur de 54 ans, un jeune garçon de 16 ans qui va connaître des moments très difficiles dans sa vie, ses parents qui vont affronter ce drame, le conjoint de cette professeur, qui est un ancien pilote de l’armée de l’air. Tout cela me conduit à dire qu’il faut être prudent dans les connexions avec ce qui, par ailleurs, est une réalité : la violence dans certains établissements, un climat délétère, un chahut permanent. Tout cela n’existait pas dans ce lycée. Voilà pourquoi il ne faut pas extrapoler car cela fait du mal aux professeurs que j’ai rencontrés hier avec le ministre. Ils pleuraient, le ministre était submergé par l’émotion qui régnait dans la salle des professeurs, le directeur était très digne. Aujourd’hui, il doit ramener tous ses élèves au travail, à la préparation des examens. Il faut donc savoir raison garder.
J. F. Le procureur a demandé le placement en détention de l’élève. Cela vous semble-t-il juste ?
M. B. Le jeune remplit les conditions d’une mise en examen. Il va devoir répondre de son acte devant la justice. Il a agi face à un professeur qui n’était pas chahuté, respecté et aimé. Il y a un Code pénal en France, c’est un mineur, nous appliquerons les règles de notre État de droit. De plus, ses camarades doivent être accompagnés car ils ont vécu un traumatisme et ont vu la mort dans une salle de classe à 15-16 ans. Il faut protéger les professeurs, les élèves, et assurer la sécurité dans les établissements. Il faut être très exigeant avec le ministre sur ses questions, mais il ne faut pas exploiter ce drame qui touche ce professeur, son conjoint, sa famille, ses collègues mais aussi les parents de ce garçon. Il n’était pas marginal, il était dans une section sélective. C’était un excellent élève, mais qui avait des ressorts personnels qui l'ont amené à tuer. La Justice et les médecins experts diront pourquoi et comment cet acte a pu se produire. Si le procureur de la République estime qu’il est responsable pénalement, la justice se déroulera dans ce cadre, en tenant compte de sa minorité.
J. F. Avez-vous pu échanger avec le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye ? Apporte-t-il les bonnes réponses ?
M. B. En termes de restauration de l’autorité des professeurs, de reconstruction d’une école de la transmission des savoirs, en termes de liberté d’autonomie donnée aux établissements pour s’adapter aux réalités qui ne sont pas uniformes partout, je crois au respect, au rétablissement du respect du professeur, au rétablissement d’une sorte d’estrade symbolique qui fait que la parole du maître et celle de l’élève ne se valent pas. Je crois à une école de la transmission des savoirs, à une école plus déconcentrée et libérée, où l’initiative des équipes pourra se développer dans un cadre moins vertical et hiérarchique. Selon moi, M. Pap Ndiaye n’est pas le mieux à même de porter ces projets. Rien, dans ses déclarations, ne donne l’impression qu’il a envie d’aller vers cette école qui libère les initiatives, fait confiance aux professeurs et s’adapte à la réalité des territoires. Enseigner au Pays basque, ce n’est pas la même chose que d’enseigner à Bordeaux ou en région parisienne ou dans le sixième arrondissement de Paris. Si l’école ne s’adapte pas aux territoires en étant déconcentrée, toutes les réformes s'enliseront les unes après les autres, car on ne peut pas gérer un ministère de 1.200.000 fonctionnaires où les intentions ministérielles connaissent une perte en ligne lorsqu’elles arrivent dans un établissement à l’autre bout de la France. Il faut repartir de la base pour relancer l’Éducation nationale, et malheureusement, aujourd’hui, aucune déclaration du ministre ne nous donne le cap vers lequel il a envie d’aller.
Hier, une soixantaine de professeurs nécessitaient un accompagnement psychologique, ainsi que des élèves. Nous ne pouvions pas discuter de cela. J’ai remercié le ministre d’être venu représenter le pays, le gouvernement et le président de la République pour montrer que la nation était aux côtés des professeurs, du conjoint, des élèves du lycée catholique Saint-Thomas-d’Aquin. L'évêque était là également et le temps était à l’émotion et à la prière ; ce n’était pas un temps politique. La nation faisait corps et c’est ainsi que j’ai accueilli le ministre.
Jordan Florentin
Journaliste à BV
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24 commentaires
On ne peut que se féliciter de la loyauté du sénateur Max Brisson, soutien de Bruno Retailleau et de Valérie Pécresse, qui en bon Républicain a appelé le 24 avril 2022 à voter pour Emmanuel Macron, d’avoir « fait corps » comme il dit, avec Monsieur le ministre Pap Ndiaye d’un gouvernement qu’il soutient.
Chaque membre du personnel de l’éducation nationale peut pratiquer le sport de son choix; j’avais proposé de s’inscrire à un club de sports de combat.
Je trouve bien fade la réaction de cet Ancien Inspecteur de l’Education Nationale…..
Il y a 5 ans dans l’établissement où j’enseignais, une école maternelle et primaire de campagne, nous avons eu un stage de gestion d’enfants difficiles où nous avons appris à maintenir un élève en crise au sol !
Dans cette école les les insultes, crachats et autres joyeusetés étaient quotidiens ! Je pense que la société n’a aucune idée de la violence qui nous attend !
Il y a un climat d’insécurité et de violence qui peut gangrener la vie scolaire
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Hors sol comme les autres, il n’a toujours pas compris que c’était déjà le cas!
Il y a quelque chose que je ne comprend pas: pourquoi s’acharner à décrire un établissement calme et sans
histoires, une professeure gentille et communicative avec ses élèves et ses collègues, aimant son métier, etc… Comme si une grincheuse médiocre et agressive avec son entourage méritait qu’on l’assassine. En clair, on se méfie tellement des préjugés qui pourrait porter préjudice à la victime, qu’on en profère d’autres, élogieux et ostentatoires! Mais qu’en sait-on, et de quel droit faisons-nous procès avant l’instruction. Bien entendu que je déplore cet acte criminel, que je trouve crétin de la part de ce ministre de nommer cet assassinat « décès » comme si la victime avait fait un infarctus en pleine classe, et que je souhaite que le procès (quand????) rendra justice aux proches de cette malheureuse professeure.