Rave party au château : sauver le patrimoine, mais à quel prix ?
Le patrimoine est sans conteste une richesse, mais une richesse qui coûte cher. Valeurs actuelles a, d’ailleurs, récemment tiré la sonnette d’alarme, titrant en couverture : "SOS patrimoine en danger", en insistant sur l’importance et la multiplication des financements participatifs sur notre territoire qui, selon "une étude réalisée pour la Fondation du patrimoine", serait "un enjeu prioritaire pour les Français".
Aussi tous les moyens sont-ils bons pour récolter cet argent indispensable à l’entretien des vieilles pierres afin de leur éviter le sort qui vient d’être réservé à la chapelle Saint-Martin de Sablé-sur-Sarthe (Sarthe), purement et simplement détruite pour laisser place à… un parking !
Seulement, voilà : tout est-il permis pour sauvegarder notre patrimoine, que l’État seul ne peut entretenir ? Je ne le crois pas, car il est des lieux signifiants qui méritent mieux qu’une rave party, comme cela s’est produit dans la forteresse d’Ainay-le-Vieil (Cher), "fief d’une famille aristocratique depuis cinq siècles", rapporte Le Monde, qui "a accueilli la quatrième édition de Château Perché, un festival de musique actuelle dont la particularité est de se dérouler, chaque année, dans un lieu différent".
Certes, grâce aux fonds récoltés, le propriétaire des lieux va pouvoir refaire une partie de la toiture de l’édifice. Mais ne serait-il pas plus judicieux – et enrichissant pour le public – d’organiser un festival en harmonie avec le site concerné, comme par exemple celui de la correspondance au château de Grignan (Drôme) où la marquise de Sévigné, venue alors voir sa fille avec qui elle entretenait l’exceptionnelle correspondance que l’on sait, est décédée en 1696 ?
Éternel débat, me direz-vous, l’argent étant toujours bon à prendre, au risque de dénaturer un monument et ouvrir la boîte de Pandore de la marchandisation outrancière du patrimoine qui a notamment perverti le mont Saint-Michel (Manche).
Je préfère, pour ma part, l’orientation de la fondation privée qui gère l’abbaye de Royaumont (Val-d’Oise), fondée par Saint Louis selon le vœu de son père, et qui accueille des manifestations autrement moins agitées que des raveurs en transe. Et, quitte à faire la fête, pourquoi ne pas imiter le festival médiéval de Josselin (Morbihan), avec entre autres ses troupes de saltimbanques d’un autre temps qui nous plongent dans une atmosphère de fête des Fous telle qu’on peut la lire dans Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo ?
Vaux-le-Vicomte – château lui aussi privé –, qui accueille de nombreux tournages rémunérateurs, a de même préféré le festival Opéra en plein air, ce dont nous nous félicitons, le tonitruant passage de ravers laissant souvent des traces, comme l’ont déploré des agriculteurs dont les champs avaient été envahis par ces agités du bocal !
Oui, notre patrimoine demande d’énormes efforts pour sa préservation, mais pas à n’importe quel prix : il invite à l’élévation, pas à l’expression brutale de nos pulsions.
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