C’est un truisme de le rappeler, mais entre les états-majors des partis politiques, tous sis à Paris, et la province, il y a toujours eu des étincelles. Lesquelles peuvent même causer des incendies, surtout quand la capitale s’oppose au Midi, région hautement sensible s’il en est. Bref, c'est l’éternel match OM-PSG, Didier Raoult contre les mandarins parisiens et, en politique, un PS ou des LR tous plus ou moins rétifs aux consignes des sièges de leurs mouvements respectifs. Il est donc tout aussi logique que le Rassemblement national ne fasse pas exception à la règle.

Au cœur de la polémique, le groupe RN de Marseille, récemment scindé en deux ; rien de finalement extravagant, même s’agissant du seul conseil municipal détenu par ce parti en une grande ville, avec Nice, ville tout aussi turbulente. Parmi ces élus, Sophie Grech apporte son parrainage à Éric Zemmour plutôt qu’à Marine Le Pen tandis que Stéphane Ravier, ponte lepéniste local, même s'il a chaleureusement accueilli le premier dans la cité phocéenne, continue de réserver sa précieuse signature à la seconde.

Et depuis, c’est le psychodrame, chacun se renvoyant la responsabilité de cette défection. Pour Stéphane Ravier, interrogé par Valeurs actuelles, ce 4 février : « Ce n’est pas quelque chose d’extraordinaire. Le maire de Marseille, par exemple, possède une majorité avec des communistes qui ont un candidat à la présidentielle, des Insoumis qui ont un candidat à la présidentielle et des Verts qui ont formé un groupe mais qui appartiennent toujours à la majorité. On peut aussi parler de Renaud Muselier, dont la majorité va du PS à LR en passant par les macronistes. » Voilà qui peut s’entendre.

De son côté, Frank Allisio, lui aussi élu lepéniste et désormais très en froid avec Stéphane Ravier, l’unique sénateur RN avec lequel il siège au conseil municipal, affirme : « En restant dans le groupe, on cautionnait que certains revendiquent d’être des soutiens d’Éric Zemmour. C’est impossible et incompréhensible pour nos militants. Nous n’avons pas deux candidats à la présidentielle, nous n’avons pas deux parrainages, nous n’avons pas deux paroles à donner. » Voilà qui peut aussi s’entendre.

À ceux de nos lecteurs susceptibles de se désespérer de la guerre larvée que se mènent Éric Zemmour et Marine Le Pen, qu’il nous soit permis de rappeler ces quelques menus détails.

L’avantage d’Éric Zemmour, c’est qu’à la tête d’un parti fraîchement constitué, il peut se permettre de promettre tout et n’importe quoi à ses nouveaux adhérents. De son côté, Marine Le Pen a hérité d’un mouvement remontant à un demi-siècle. C’est dire si les ressentiments, les frustrations, les désillusions y ont eu le temps d’y cuire et recuire. Un simple exemple ? Décider de la constitution d’une liste électorale, c’est faire en quelque sorte une double liste : celle des aigris retoqués et celle des ingrats qui estimeront tôt ou tard que leur promotion n’est due qu’à leurs seules qualités. À l’inverse, il est vrai que certains élus doivent tout à leur parti, tandis que le même parti doit aussi beaucoup à certains de ses élus. Quadrature du cercle et nature humaine : il en va du Rassemblement national comme de ses concurrents.

Bien sûr, Marine Le Pen et son Jean-Marie de père avant elle auraient sûrement dû être plus attentifs au besoin d’affection des militants, élus ou pas, qu’ils soient de sensibilité chrétienne, libérale ou non. Et les deux ont probablement dû blesser, ne serait-ce qu’involontairement, tel ou tel. Un syndrome d’autant plus prégnant en ce parti que, pour y entrer, il convient de faire preuve d’un sacré caractère et qu’entre avoir du caractère et se montrer caractériel, la frontière est plus que ténue.

En attendant, Stéphane Ravier monte son propre courant, Marseille d’abord, et quitte les instances du parti. Mais à deux mois de l’élection présidentielle, penser à la France d’abord ne serait-il pas plus opportun, quitte à avaler quelques couleuvres de plus, le plat quotidien de tout homme politique ? En politique, l’abnégation n’est pas la moindre des vertus.

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11 février 2022

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68 commentaires

  1. J’espère que les électeurs patriotes ne se laisseront pas berner par cette guerre fratricide !! C’est d’une nullité qui va provoquer un naufrage à la « Titanic ». Le bateau sombre et le peuple avec. Il faut désormais quelques désertions assumées d’ un côté afin d’ en favoriser indiscutablement et durablement l’ autre. Les querelles viendront après. Tout linge sale se lave en famille….Mais pensons à la Patrie que diable !!

  2. Manque de convictions, manque de solidarité, manque de discipline de certains opportunistes sans vision qui se voient comme  »parrains » qui se disputent les miettes politiques locales assueront la victoire de Macron. Et on dit que les électeurs sont des girouettes, faites moi rire.

  3. marine le pen qui a mis son père a la porte du parti qu il avait fondé alors qu il avait plus de 85 ans , dont les louvoiements idéologiques sont constants, récolte ce qu elle a semé.

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