Non, tout le monde ne déteste pas la police !

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Une goutte d'eau dans l'océan.

Un peu de bienveillance au milieu de tant d'hostilité et de haine.

Un zeste de reconnaissance pour les forces de l'ordre à l'encontre de tant d'ingratitude démocratique.

Je sais, ce n'est rien. Juste une réplique infiniment modeste à tous ceux, gilets jaunes ultras, futurs Black Blocs, témoins complaisants, selfistes indécents, admirateurs pervers qui, devant la gare Montparnasse, le 1er mai, ont crié : « Tout le monde déteste la police ! »

Slogan aussi « élégant » que celui, le samedi précédent, qui enjoignait aux fonctionnaires de police de se suicider alors que tant, déjà, ont tragiquement mis fin à leurs jours depuis le début de cette année.

Il m'importe peu de savoir que de rares gilets jaunes ont adopté publiquement une autre attitude. Cela n'enlève rien à l'ignominie majoritaire.

Je n'ai pas besoin, non plus, de me justifier. En refusant absolument le raisonnement politique et médiatique pervers qui, dans une triste comptabilité, fabrique une équivalence entre les manifestants blessés et les policiers atteints, entre ceux-ci dans la défense et ceux-là dans l'attaque, la rage, l'insulte et le harcèlement, je ne me prive pas de m'apitoyer sur les uns et les autres, policiers et gilets jaunes, victimes dans un registre radicalement différent.

Scander « Tout le monde déteste la police » est une honte qui déshonore ceux qui en sont les auteurs, à la fois stimulés et protégés par le groupe. Une offense à l'encontre de notre démocratie dont la police, avec la tranquillité publique qu'elle est chargée de maintenir ou restaurer, est un pilier essentiel.

À force de feindre la haine, pour aller au bout du paroxysme verbal, à l'évidence ils finissent par l'éprouver, la ressentir en ne remerciant la police de son existence que s'ils ont besoin d'elle.

Pour qui connaît la quotidienneté de ce corps exemplaire pour la plupart de ses membres, la tension qu'imposent ces samedis éprouvants, la maîtrise et le sang-froid qui doivent dominer dans les comportements professionnels, l'infernale pression que, pour nous citoyens, ils subissent et à laquelle ils résistent le moins mal possible, on admire que, depuis ces mois d'agitation, il n'y ait pas eu plus de morts d'un côté ou de l'autre.

Je ne déteste pas la police.

Ce soutien ne me rend pas aveugle à ses fautes et délits éventuels qui doivent être sanctionnés sans faiblesse.

Pas davantage qu'à cette étrange atmosphère qui nous a annoncé l'arrivée de 2.000 Black Blocs, avec un discours certes volontariste mais limité.

Comme si une sorte de fatalité de l'impuissance pesait sur cette journée. Comme si la défense de notre démocratie était légitime mais inconcevable, impossible. Cela ne tient pas qu'au Conseil constitutionnel, qui a supprimé une disposition capitale de la loi anti-casseurs, mais au sentiment général que la République ne parvient pas à mettre toutes les chances de son côté. Qu'elle se bat à reculons. Qu'elle n'ose pas. Qu'elle a peur, paradoxalement, d'être jugée par ceux qui s'en prennent à elle, par des politiques qui ne l'ont jamais soutenue et certains médias partiaux.

Parce que l'État de droit à l'usage des crises est un magnifique mais peu fiable tigre en papier.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 03/05/2019 à 17:19.
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Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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