Me Frédéric Pichon : « Toute forme de contestation sociale est désormais réprimée de manière disproportionnée ! »

F. Pichon

Mardi, la manifestation des pompiers à Paris à laquelle s'étaient joints des infirmiers, des aides soignants, des policiers municipaux et des urgentistes a tourné à l'affrontement avec les forces de l'ordre.

Boulevard Voltaire a interrogé Me Frédéric Pichon, qui donne son analyse de la situation.

Des pompiers, des urgentistes, des policiers municipaux, des infirmières et des aides-soignants… Ils étaient des milliers à manifester. La manifestation s’est bien déroulée, mais s’est néanmoins terminée en affrontement avec les forces de l’ordre. Selon vous, que ressort-il de cette manifestation ?

Depuis le mouvement des gilets jaunes, on assiste à une dérive des forces de l’ordre, encouragée par le gouvernement. Dès le début du mouvement des gilets jaunes, des accords ont été passés entre les syndicats de police et le ministère de l’Intérieur. 
Le marchandage était en réalité de la nature suivante : « Vous nous laissez faire, vous nous accordez l’impunité et nous vous protégeons. » Malheureusement, l’usage disproportionné de la force utilisée systématiquement contre toute forme d’opposition est devenu une habitude et une seconde nature.

On essaie d’habituer l’opinion à cette situation.

La France est le seul pays à faire usage de grenades lacrymogènes. Sa puissance létale est équivalente à celle des grenades offensives, autrement dit, des armes de guerre. Elles sont utilisées de manière quasiment systématique.

Le corps des pompiers est un des corps les plus populaires de France. Il est lui-même victime des incivilités quotidiennes dans les cités où des petits caïds impunis les caillassent. Pour ces faits, je ne vois d’ailleurs pas de poursuites judiciaires engagées, ou en tout cas pas avec la même intensité que celles engagées contre les gilets jaunes, par exemple.

Y a-t-il, selon vous, deux poids deux mesures dans la gestion de ces manifestations ?

Il y a, effectivement, deux poids deux mesures. Dernièrement, je me suis rendu au palais de justice où j’ai aperçu les manifestants du mouvement écologiste Extinction Rébellion. Ils ont occupé la place du Châtelet en toute impunité pendant cinq jours, entourés de leurs tentes et de paille, sans avoir préalablement déclaré leur manifestation. Ils ont bloqué l’accès au palais de justice. Les avocats et les magistrats ont dû contourner le pont. Nous ne pouvions même plus exercer notre métier. 
En revanche, les pompiers, le corps le plus populaire de France, extrêmement courageux, qui s'exposent quotidiennement sont traités de la même façon lorsqu’ils manifestent que dans les cités par les petits caïds et les dealers de drogue qui essaient d’asseoir leur territoire et d’empêcher toute forme d’ordre républicain dans les cités.

Craignez-vous que cette brutalité de la répression devienne une sorte de norme ?

Je ne le crains pas, je ne peux que le constater. On l’a vu lors de l’affaire de la rave party à Nantes. On a masqué des éléments du dossier. Le traitement de cette affaire a été totalement disproportionné, ce qui a causé la mort de ce jeune garçon. On peut ne pas être d’accord avec ce qu’il représentait, mais on se doit, lorsqu’on est attaché aux libertés fondamentales, de s’indigner contre toutes formes d’atteintes.
Or, là, toutes formes de contestations sociales deviennent systématiquement restreintes dans ce périmètre d’expression et violemment réprimées en violation des règles d’engagement. Le principe de proportionnalité n’est plus respecté.

Il y a le temps médiatique et le temps judiciaire. Je ne sais pas si des plaintes vont être déposées dans cette affaire. En revanche, peut-être que dans le cadre des gilets jaunes, on va bientôt assister aux premières mises en examen. Cela sera malheureusement après coup.

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