Marie d’Armagnac, sur la poursuite de Matteo Salvini par la Justice : « Coup de théâtre, le juge veut également entendre Giuseppe Conte »

Marie d'Armagnac

Matteo Salvini répondra-t-il, devant la Justice italienne, de ses décisions concernant les migrants lorsqu'il était ministre de l'Intérieur ? Matteo Salvini est-il fini ? Réponses de Marie d'Armagnac au micro de Boulevard Voltaire.

Matteo Salvini répondra-t-il de ses décisions en tant que ministre de l’Intérieur à l'époque de la crise des migrants ? Il avait interdit à des migrants d’accoster en Italie. 20 Minutes se pose carrément la question « Salvini est-il fini » ? On imagine que la situation est un peu plus complexe ? Pouvez-vous rappeler aux auditeurs ce qui oppose Salvini à la Justice italienne ?

Tout cela remonte à l’époque où il était ministre de l’Intérieur du 1er gouvernement de Giuseppe Conte. Des navires de migrants affrétés par des ONG étrangères voulaient accoster en Italie. Ils avaient été refusés par d’autres pays. Matteo Salvini les avait fait attendre parce qu’il ne voulait pas prendre à eux seuls la charge de migrants qui débarquent en Europe. Il attendait que l’Europe se soit décidée à l’avance pour savoir où allaient être relocalisés ces migrants. En août 2019, il les avait interdits d’accoster devant les côtes italiennes, en faisant descendre les mineurs et les femmes, ce que les gens ne disent pas. En automne dernier, le Sénat a voté en quelque sorte la levée de son immunité. Il faut qu’il y ait cette autorisation et ce vote du Sénat pour que Salvini, qui était alors ministre de l’Intérieur, puisse être poursuivi en justice. C’est la première fois. Cela crée un précédent, puisqu’on peut traîner en justice des ministres pour leurs actes politiques.
Samedi dernier, il s’est donc retrouvé à Catane. Il avait organisé toute une série de conférences. Les militants sont venus en force et beaucoup de parlementaires de la Ligue étaient présents. Il y avait des conférences avec des intellectuels. Il y avait également une opposition de gauche assez faible, mais assez bruyante. Il faut savoir que le procureur a demandé le classement du dossier sans suite. Il n’a pas été accepté par le juge. En revanche, le juge a renvoyé l’audience préliminaire au mois de novembre, puisqu’il veut entendre Giuseppe Conte, qui était, alors, déjà président du Conseil et qui l’est encore. C’est l’équivalent du Premier ministre. Luigi Di Maio était, à l’époque, l’autre vice-président du Conseil avec Matteo Salvini.

Matteo Salvini essaie de mettre en avant le fait qu’il est une sorte de bouc émissaire et qu’il n’a pas à payer intégralement pour une décision qui revient au gouvernement italien, et non au seul ministre de l’Intérieur

Absolument. C’est une espèce de manœuvre politicienne, d’écarter, par voie judiciaire, un opposant politique. Ils ne sont pas du tout les seuls. D’abord, le juge a dit c’est ou personne ou tout le monde. Salvini ne s’est pas gêné pour dire que, selon lui, puisque lui-même se déclarait innocent dans la mesure où il a agi en tant que ministre de l’Intérieur, Giuseppe Conte et Luigi Di Maio étaient également innocents, alors qu’aujourd’hui ce sont ses opposants politiques.
Tout cela intervient dans un contexte où un juge, notoirement de gauche et proche du parti démocrate, avait été mis sur écoute et dont on a révélé les messages WhatsApp. Cela a mis en lumière toute cette collusion de la magistrature avec la gauche italienne. Cela a joué en faveur de Matteo Salvini. Après la révélation de ces messages et ces écoutes, on ne pouvait pas décemment continuer dans ce sens-là. Même politiquement, cela devenait un mauvais calcul parce qu’il était dans un statut de victime dont il aurait profité pour se mettre en tête politiquement.

Cette affaire judiciaire intervient dans un contexte compliqué. Les élections régionales n’ont pas répondu aux attentes de la Ligue, d’autant que sur sa droite, Fratelli d’Italia continue d’engranger des points. Matteo Salvini est-il en difficulté, politiquement ?

Oui et non. Il faut revenir à la réalité des chiffres. La droite gouverne quinze régions sur vingt. Ce n’est pas un échec. Ce sont des coalitions de droite qui gouvernent, composées de la Ligue, du parti Fratelli d’Italia et de Forza Italia. Dans ces élections régionales, où tout le monde fait des campagnes pour tout le monde, chaque tête de liste avait été répartie entre les différents membres de la coalition. La Ligue avait l’espoir de remporter la Toscane. Cela aurait été une victoire très importante, mais elle a échoué, même si la droite a continué à progresser dans cette région très à gauche. Il a perdu dix points par rapport aux européennes de mai 2019. Il reste néanmoins le premier parti d’intention de vote en Italie. En même temps, pendant que le Mouvement 5 étoiles s’effondre dans les votes et dans les sondages, le parti Fratelli d’Italia qui, je pense, récupère une partie de l’électorat du parti 5 étoiles monte jusqu’au point, parfois, de le dépasser, autour de 15 à 16 %. L’allié de Matteo Salvini est Fratelli d’Italia. Ce parti commence à prendre de l’espace. Il y aura un redimensionnement de la droite italienne dans les mois à venir.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

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