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Lorsqu’un nouveau livre d’Alain de Benoist paraît, c’est toujours accompagné de cette triple certitude : la limpidité du style, la clarté de l’exposé, la profondeur de la réflexion. La déception est rarement au rendez-vous, lors même que l’on nourrirait quelques désaccords, parfois substantiels, sur certaines opinions de l’auteur. Mais, après tout, n’est-ce pas à cette enseigne que l’on peut juger de la qualité intrinsèque d’un essai qui n’est rien de moins qu’un débat silencieux de l’écrivain avec son lecteur ?

Le débat, ou plutôt l’absence de débat à l’intérieur des habituels cercles de la raison dominante, se trouve précisément au cœur du propos du dernier opus du philosophe, sous-titré « Une déconstruction des nouvelles censures ». L’essayiste y dépèce tout un système techno-politico-judiciaro-médiatique, uniment congruent vers la mise en place d’un totalitarisme mièvre – « Big Nounou vous soigne et vous protège » ! – et mou – pour ce qu’il aurait d’inflexiblement dur – où la liberté individuelle – en toutes ses composantes, de la libre expression ou conviction à la liberté d’aller et de venir – ne sera bientôt plus qu’un lointain vestige, tout comme la figure du citoyen politiquement éclairé s’avilira en ombre servile du consommateur conditionné et docile où il aura déchu – sur ce point, nous invitons le lecteur à découvrir l’hallucinant et instructif chapitre intitulé « Surveillance » pour mesurer combien Le Panoptique, de Jeremy Bentham, 1984, d'Orwell, Le Meilleur des mondes, de Huxley ou les films Minority Report, Time Out ou Bienvenue à Gattaca sont presque déjà à reléguer au rang d’aimables bluettes pour ados prépubères.

Jamais, en effet, un livre n’aura mieux mérité un tel titre que celui de Chape de plomb. Si nos sociétés progressistes hypermodernes, peuvent se targuer de n’y occire (encore) personne – encore qu’un tel « privilège » soit désormais abandonné aux islamistes et aux récidivistes inconsidérément relâchés par la Justice –, convenons que l’air y devient de plus en plus irrespirable – mais pas assez, manifestement, si l’on en croit la grande moutonnerie ambulante de nos concitoyens, « ce troupeau d’animaux timides et industrieux », selon Tocqueville, acceptant, sans regimber, de s’affubler physiquement d’un masque au grand air. Benoist y décèle une révolution anthropologique à bas bruit. L’intériorisation des normes restrictives de leurs libertés – au nom d’une sécurité illusoire et d’un bien-être émollient – par les individus les rend, tout à la fois, serviles à leurs maîtres, incroyablement putrescibles aux modes du temps, perméable à la doxa et neuro-toxico-dépendants aux nouvelles drogues 3.0 des techniques et technologies diverses.

Cet enfer(mement) sur Terre s’ajoute, observe encore notre auteur, « au “politiquement correct”, qui cherche à normer l’opinion par l’emploi de mots imposés à tous, à la “pensée unique”, qui tend à remplacer le débat par le sermon, à l’hygiénisme envahissant, qui vise à réglementer les usages au nom du bien, à la réglementation des préférences et des dilections, qui va directement à l’encontre de la liberté d’expression ». L’Inquisition est de retour, dans sa version laïque. La Terreur également, en avatar de sa sanglante devancière de 1793. Savonarole convole avec Anastasie quand Tartuffe apparaît plus faux dévot que jamais ! Nous demandons Alceste. Qu’on le fasse quérir en son exil ! Il nous manque.

Pendant ce temps, l’Histoire ne cesse de bégayer, entre tragédie et farce. Bien sûr, les bonnes âmes assureront, la main sur le cœur, qu’il ne s’agit là que délire de « complotiste », cet anathème-réflexe qui est à la rhétorique ce que l’éloquence est au sourd-muet. La preuve par la « transparence », se récrieront-ils ! Entre « haut-commissariat » et lois éponymes, tout doit transparaître. On liquide le haut et, promis, demain, on enlève le bas ! Pourtant, qui ne voit que la transparence est un alibi du mensonge. Aussi, « il est temps de se souvenir qu’il n’y a rien de plus transparent que le vide », souligne Benoist qui exhorte, en conséquence, à « rester opaque ». Ne soyons pas résignés.

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09 octobre 2020 à 10:00

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