Chaque fois que l'on évoque la pertinence de l’existence de l’OTAN alors que la menace soviétique a disparu, on oublie une chose importante. Il n’y a pas d’unanimité parmi les alliés à ce sujet. Les pays de l’Est européen conservent une mémoire cuisante de leurs relations avec leur grand voisin qui, dans l’Histoire, n’a pas attendu les communistes pour leur faire des misères. Un demi-siècle d’occupation étrangère tyrannique récente les a rendus méfiants ; et trente ans de relative démocratie russe leur paraissent insuffisants pour accorder une confiance totale. On peut les comprendre. Là est tout entière la dichotomie entre eux et nous. On peut estimer leur crainte exagérée, mais elle existe. Alors ne soyons pas surpris que, dans la recherche d’allié rassurant, ils préfèrent toujours l’OTAN, donc les États-Unis, même si leur engagement paraît moins assuré qu’il le fut. Qu’y a-t-il à proposer en échange ? Personne ne pense que l’Europe telle qu’elle se présente actuellement peut être une alternative crédible.

Cela écrit et gardé en mémoire, l’agitation actuelle autour de la situation à la frontière est de l’Ukraine paraît bien artificielle. Certes, les Russes ont mis la main sur la Crimée et en partie sur le Donbass. Nous, Français, qui donnons des leçons au monde entier et exaltons le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, nous aurions dû remarquer que ces deux régions sont très majoritairement peuplées de Russes. En outre, la Crimée abrite la seule base russe sur la mer Noire, et au-delà « sur » la Méditerranée. Imaginer que les Russes allaient s’en priver n’est pas raisonnable.

En fait, la situation me paraît assez simple, vue du côté français. L’annexion de la Crimée n’est pas illégitime ; le référendum de 2014 l’a d’ailleurs prouvé. Une autonomie du Donbass pourrait être acceptée par l’Ukraine pour les mêmes raisons. Aucun allié de l’OTAN - qui est, faut-il encore le rappeler, une alliance défensive - n’est menacé. L’Ukraine ne fait pas partie de l’OTAN et j’espère que cette situation durera. Il n’y a donc pas de raison de s’exciter particulièrement à son sujet. Les Russes ne vont pas partir à la conquête de l’Europe ; pourquoi le feraient-ils ? Le prosélytisme communiste est mort. Éventuellement, la puissance de l’OTAN, grâce surtout aux USA, suffirait à l’en dissuader. Les petits bruits de petites bottes qui surgissent ici ou là sont dérisoires. Quand on voit que même le Danemark, au budget défense anecdotique, s’y met, il y a de quoi rire ! Tout le confetti européen s’agite un peu pour se donner l’impression d’avoir un impact quelconque sur la situation : quatre avions ici, dix blindés là, une frégate plus loin… Cela plaît à notre Président, pour quelques mois tête symbolique sans pouvoir de l’Union européenne.

Les contraintes économiques qui existent en Europe, dans le domaine énergétique en particulier, devraient aussi nous inciter à ne pas en faire plus qu’il n’est nécessaire. Pour entraîner notre soutien à leur politique dans cette affaire, les Américains envisagent de compenser d’éventuelles ruptures d’approvisionnement de gaz russe. Accessoirement, pour nous Français, on peut noter que ce serait une incidente cocasse que nous importions du gaz américain produit à partir de schistes bitumineux dont nous avons d’importants gisements et dont vertueusement nous proscrivons l’exploitation pour plaire à nos écolos.

Je ne comprends pas la politique systématiquement hostile des Américains vis-à-vis de la Russie qui n’est pourtant plus de taille à les inquiéter ; et en regard, la tolérance vis-à-vis de la Turquie qui est une vraie menace. À cet égard, je ne vois pas de différence entre M. Trump et M. Biden. L’avenir à moyen terme est suffisamment sombre avec la montée en puissance de la Chine. Quel intérêt y a-t-il à pousser les Russes dans les bras des Chinois ? Les Européens feraient bien de se souvenir que la Russie est en Europe, et de considérer l’atout qu’elle représente dans la lutte contre l’islamisme montant. On peut entendre M. Poutine même si on pense qu’il exagère lui aussi lorsqu’il dit craindre pour la sécurité de son pays du fait du rapprochement des « frontières » de l’OTAN. Il n’y a pas, jusqu’ici, de posture agressive de l’OTAN. Le statu quo me paraît sage. Qui veut, d’ailleurs, risquer le pire en volant au secours de l’Ukraine qui n’est pas non plus un modèle démocratique ? Encore une fois, le bons sens ne plaide pas pour un renversement d’alliance ; par contre, il plaide pour un sain équilibre. Arrêtons de jouer les tartarins ; il n’y a pas d’enjeu vital pour nous.

4992 vues

31 janvier 2022

VOS COMMENTAIRES

BVoltaire.fr vous offre la possibilité de réagir à ses articles (excepté les brèves) sur une période de 5 jours. Toutefois, nous vous demandons de respecter certaines règles :

  • Pas de commentaires excessifs, inutiles ou hors-sujet (publicité ou autres).
  • Pas de commentaires insultants. La critique doit obéir aux règles de la courtoisie.
  • Pas de commentaires en majuscule.
  • Les liens sont interdits.
  • L’utilisation excessive de ponctuations comme les points d’exclamation ou les points de suspension rendent la lecture difficile pour les autres utilisateurs, merci de ne pas en abuser !

Pas encore de compte, inscrivez-vous gratuitement !

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.

48 commentaires

  1. « Qui veut, d’ailleurs, risquer le pire en volant au secours de l’Ukraine qui n’est pas non plus un modèle démocratique ? » tout est dit là ! Que Monsieur Biden cesse de proférer des inepties, il est inculte, sénile, et tant que Monsieur Poutine est sur son territoire, il y fait ce que bon lui semble – Qui provoque l’autre là ? Tout en ignorant royalement les Européens dans leur ensemble !

  2. L’Ukraine n’est qu’un prétexte fabriqué par les US, le projet constant de nos chers « amis » est de séparer la Russie de l’Europe car une coopération étroite entre tous les Européens créerait un nouveau pôle de puissance.
    Il faut ajouter deux autres griefs que sont le gaz Russe est la volonté des Russes de se passer du $, ce dernier point étant pour les USA le pire des crimes.
    Et les européens marchent dans la combine….

Les commentaires sont fermés.