Le président Tebboune s’essuie les pieds sur la France

Duma.gov.ru/Wikimedia commons
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Sous la présidence d’Emmanuel Macron, la France est devenue un pauvre paillasson sur lequel tout le monde s’essuie les pieds. En tête, le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui vient de donner une interview fleuve au journal l’Opinion. Provocatrice, souvent mensongère, parfois à la limite de l’insulte.

Faut-il s’en étonner ? Face à notre État déconfit et notre Président qui ne cesse d’enchaîner courbettes et repentir, les camouflets se suivent et se ressemblent. Si la presse se fait l’écho de cet entretien, force est de constater que les médias publics sont tout sauf critiques. Se contentant de reprendre les phrases chocs, ils soulignent la bonne volonté du président Tebboune, « bien conscient des difficultés politiques d'Emmanuel Macron et de l'instabilité qui règne en France ». Magnanime, « le président algérien ne ferme pas la porte à une reprise du dialogue », s’émerveille France Info.

Dialoguer, oui, mais sans rien céder, toutefois, et avec beaucoup d’exigences qui ne semblent pas avoir heurté nos confrères.

Il a perdu son temps avec Macron ? Nous aussi

Il y a pourtant matière. Tout d’abord, le président Tebboune déclare avoir « perdu du temps » avec Emmanuel Macron. Nous aussi, à vrai dire. Il avait, dit-il, « beaucoup d’espoirs de dépasser le contentieux mémoriel », raison pour laquelle il a créé une commission pour écrire – réécrire ? – l’Histoire. Il place ainsi toute sa confiance en Benjamin Stora, l’historien, totalement acquis à la cause algérienne, choisi par l’Élysée.

Surtout, le président Tebboune est las des critiques acerbes contre son beau pays, en réalité contre lui-même : « Il y a des déclarations hostiles tous les jours, comme celle du député de Nice, Éric Ciotti, qui qualifie l’Algérie "d’État voyou". » Il y a aussi le petit jeune Bardella qui l’indispose, tous ceux-là formant « les forces rétrogrades ».

C’est vrai, la reconnaissance de la marocanité du Sahara était la ligne rouge à ne pas franchir. Il avait, paraît-il, prévenu Macron, en marge du G7 à Bari. Fraîchement « dissolu », le Président français pensait alors, dit Tebboune, s’assurer « les voix des Français originaires du Maroc et de l’Algérie pour, à l’issue du scrutin législatif, former une alliance centriste lui permettant de poursuivre sa politique ». Un coup à la Mélenchon, en quelque sorte ; mais ça n’a pas marché.

Vient, dans l’entretien, la question de « la rente mémorielle », sans cesse remise sur le tapis algérien. Là, toute honte bue, M. Tebboune sort l’artillerie lourde : si la France honore encore ses victimes de la Seconde Guerre mondiale, soldats et résistants, alors qu’elle n’a connu « que » quatre années d’occupation nazie (sic), l’Algérie a bien le droit de réclamer des compensations pour une colonisation qui, dit-il, fut la plus violente du continent africain. Hitler-de Gaulle, même combat…

Ses ennemis s’appellent Le Pen et Retailleau

Si les médias de service public et ceux de la gauche bien-pensante n’ont rien à redire aux propos du président Tebboune, c’est parce qu’ils ont les mêmes cibles : « l’extrême droite », qui sert à tout, et ses représentants. Le président algérien a ainsi deux bêtes noires qui se nomment Le Pen et Retailleau.

Le ministre de l’Intérieur aurait une vision fantasmatique de la réalité : il n’y a pas de clandestins algériens mais « beaucoup de clandestins [qui] se font passer pour des Algériens ». Il l’assure : « Il y a peu d’entrées illégales, la plupart de mes compatriotes arrivent en France avec des papiers ou des visas pour exercer comme médecins, avocats ou ingénieurs (sic) sans que cela pose de problèmes aux autorités. »

Quant à Marine Le Pen, après avoir qualifié les mesures qu’elle préconise « d’analphabétises », il lance : « Je m’interroge sur la manière dont Madame Le Pen va s’y prendre si elle parvient au pouvoir : veut-elle une nouvelle rafle du Vel' d’Hiv’ et parquer tous les Algériens avant de les déporter ? »

Et le sort de Boualem Sansal ? « Ce n’est pas un problème algérien, c’est un problème pour ceux qui l’ont créé », dit A. Tebboune, avant d’ajouter, sibyllin : « Jusqu’à présent, il n’a pas livré tous ses secrets. C’est une affaire scabreuse visant à mobiliser contre l’Algérie. » Preuve de la culpabilité de l’écrivain franco-algérien : « Il a dîné chez Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France à Alger, juste avant son départ pour Alger. » Or, « ce dernier est lui-même proche de Bruno Retailleau. »

Enfin, le président Tebboune a une dent contre « les médias de Vincent Bolloré dont la mission quotidienne est de détruire l’image de l’Algérie ». Et de préciser : « Nous n’avons aucun problème avec les autres médias, qu’ils soient du secteur privé ou public. » Pas faux.

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

44 commentaires

  1. Il faut avoir à l’esprit, que ce pays a toujours été gouverné sous la férule de l’armée ; le peuple algérien n’a jamais connu la liberté d’agir, de penser, donc « le libre arbitre » est une notion encore inconnue par ce peuple qui subit l’autorité de « l’esprit collectif » .

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