Le Parti communiste français a cent ans : 30 décembre 1920, Blum gardera la vieille maison

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La fin de l’année 1920 est marquée par un événement qui va longuement peser sur la politique française : la scission de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) lors de son XVIIIe congrès à Tours. Comme une provocation, les débats ont commencé le 25 décembre, jour de Noël, et les tensions commencent à fissurer ce parti presque cliniquement mort après l’assassinat de Jean Jaurès et encore moribond en 1919.

Mais en 1920, la SFIO est devenue un parti qui compte. Il a repris du poil de la bête sous la férule des pacifistes Paul Faure (1878-1960), Adrien Pressemane (1879-1929) et Jean Longuet (1876-1938)[1] qui parviennent à encarter plus de 130.000 personnes (contre 40.000, en 1914). Ce sont d’ailleurs eux qui, après le congrès de Paris de 1918, avaient pris les rênes du parti, obtenant douze postes sur 22, en laissant 10 aux tenants du « socialisme de guerre ». Mais les tensions des élections de novembre et décembre 1919 ont laissé des traces. Bien que la SFIO soit, en voix, le deuxième parti de France après la Fédération républicaine, elle ne recueille que 68 sièges à l’Assemblée nationale, en raison d’un mode de scrutin qui lui est défavorable. La SFIO en avait 89, en 1914. Surtout, comme le note le journaliste Boris Souvarine (1895-1984), « le parti n’a jamais été plus divisé qu’aujourd’hui ». En effet, les pacifistes, séduits par la Russie bolchevique autoproclamée et sa révolution prolétarienne, penchent pour une adhésion à la IIIe Internationale ouvertement léniniste. Ils veulent reprendre le chemin de la lutte des classes.

À la droite du parti, Léon Blum (1872-1950), bien qu’il réaffirme sa foi marxiste et révolutionnaire et ses espoirs dans  la « dictature du prolétariat », n’entend pas être régi par Moscou. Certains, comme Ludovic-Oscar Frossard (1889-1946), essaient de conserver l’unité de la SFIO. Mais c’est peine perdue. D’autant que Moscou intervient directement dans les débats, par l’intermédiaire de la députée communiste allemande Clara Zetkin (1857-1933), qui est officiellement l’envoyée de Lénine et de la IIIe Internationale. Entrée clandestinement en France, elle organise des réunions secrètes avec Marcel Cachin (1869-1958) et Paul Vaillant-Couturier (1892-1937), fers de lance de l’adhésion au nouvel ordre communiste. Ces réunions vont peser sur l’issue du scrutin et sur l’avenir du parti et du journal L'Humanité. Clara Zetkin parvient à repartir à la nuit tombée, empêchant les policiers de la poursuivre.

Les orateurs lisent aussi à la tribune les télégrammes de Grigori Zinoviev (1883-1936) appelant à la « rupture impérative avec les réformistes avérés » et « l'exclusion de tout militant n'acceptant pas l'ensemble des thèses » de la IIIe Internationale » et des nouveaux partis communistes. Même Jean Longuet, resté populaire au sein de la SFIO, est accusé dans ces télégrammes de faire partie des « agents déterminés de l'influence bourgeoise sur le prolétariat ». Surtout, Moscou peut compter sur des hommes sûrs, « déterminés et loyaux », selon les mots de Clara Zetkin, des militants internationalistes qui ont noyauté la SFIO[2] et qui seront influents lors du scrutin.

Finalement, deux motions s’opposent, celle de Daniel Renoult (1880-1958), ouvertement moscovite, et celle de Paul Mistral (1872-1932), opposé, avec Longuet, Blum et Faure, à l’orthodoxie bolchevique. La première recueille 3.290 voix, la seconde 1.398. À la mi-septembre 1919, Pierre Renaudel (1871-1935) n’avait pas peur d’affirmer, dans les colonnes de L’Humanité, que « si le parti allait à la IIIe Internationale, ce serait la rupture ». Elle est consommée le 30 décembre 1920, à 3 heures du matin. Léon Blum va « garder la vieille maison » SFIO tandis que Ludovic-Oscar Frossard prendra, le 4 janvier 1921, les rênes de la nouvelle Section française de l’Internationale communiste (SFIC) qui deviendra, quelques mois plus tard, le Parti communiste français.

 

 

[1] Il est le petit-fils de Karl Marx

[2] Stoyan (ou Stepan) Minev (ou Stepanov), sous le nom de Lorenzo Vanini, Vladimir Diogott, Elena (Sofia) Sokolovskaïa (Kirilovna), dite aussi « la camarade Hélène », ou encore Rosalie Barberet (Barberey) (Source L’Histoire décembre 2020).

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