Le 17 novembre 2017, Brune Poirson, secrétaire d’État à l’Écologie, venait faire sa belle au congrès des maires de Vaucluse où elle avait été élue députée, de justesse, quelques mois auparavant. La ministresse avait fait poireauter les élus de longues minutes pour, finalement, leur délivrer un bref discours hors-sol sur son amour pour les marchés de Provence ! Au passage, elle en avait aussi profité pour dénoncer le mal absolu qui, selon elle, frappait ce département : le Front national. Une année est passée. Ce même congrès se tenait vendredi dernier. Même lieu, mêmes élus. Mais sans Dame Poirson. Elle avait, à n’en point douter, une bonne raison pour ne pas être présente.

Toujours l’an passé, à l’occasion du centième congrès national des maires, le nouveau Président était venu, lui aussi, faire son beau à la porte de Versailles : "Je m’engage à une chose, si vous l’acceptez, c’est de venir chaque année rendre compte des engagements que je viens de prendre parce que c’est cela, l’esprit de responsabilité dans la République." S’engager à rendre compte de ses engagements, ça n’engage à rien ! En effet, le Président ne viendra pas le 22 novembre prochain au congrès des maires. C’est Édouard Philippe qui s’y collera. Après tout, il a été maire, lui…

Le chef de l'État a préféré recevoir le bureau de l’Association des maires de France et inviter un millier de maires à un pince-fesses à l’Élysée. Sans doute espère-t-il ainsi pouvoir user de son pouvoir de séduction légendaire. C’est ainsi que, durant son « itinérance mémorielle » pour essayer de recoller au terrain, il a rencontré en tête-à-tête, dit-on, de nombreux élus de l’est et du nord du pays, à l’occasion de déjeuners et de dîners. Beaucoup ont été impressionnés. L'homme, à l'évidence, a de l'entregent. Son pouvoir de séduction ? Un député européen, pas du tout de son bord, eut l’occasion de le tester – sans cependant y succomber !- lors d’un coquetel au Palais en janvier dernier. Emmanuel Macron fut charmant durant la brève rencontre (le Président avait bien d’autres mains à serrer), ne manquant pas, du reste, de rappeler à cet élu qu’ils étaient nés le même jour de la même année !

Donc, plutôt que de se jeter dans la fosse aux lions d’un congrès rassemblant plusieurs milliers de maires de tous bords et parfois sans bord du tout, prendre le risque de se faire siffler ou huer, mieux vaut jouer à domicile sous les lambris élyséens où le pouvoir de séduction pourra jouer à fond. Dans ses petits souliers, le maire débarquant de son village aura la timidité du cousin de province. Cela dit, ça ne marche pas à tous les coups. C’est ainsi que le socialiste Yohann Nédélec, maire de Relecq-Kerluon, ville de 12.000 habitants près de Brest, vient de renvoyer son bristol en déclinant l’invitation présidentielle. Le divorce – si tant est qu’il y ait eu mariage un jour – entre les élus de terrain que sont les maires et le pouvoir macronien semble donc bien réel.

Un divorce qui est à l’image de celui qui est en train de se produire à grande vitesse entre le peuple et ce même pouvoir macronien. À l’heure où sont écrites ces lignes, des manifestants se pressent rue du Faubourg-Saint-Honoré. Pas de panique, le pont-levis a dû être relevé. La Macronie s’enferme dans son donjon parisien. Emblématique de ce repli : en ce samedi après-midi, La République en marche n’avait pas trouvé mieux, pour défendre le pouvoir aux avant-postes médiatiques sur BFM TV, que d’envoyer Pacôme Rupin, député - devinez d’où - de… Paris, ancien élu socialiste du IVe arrondissement… Mais il se peut, aussi, que les députés LREM de province aient fait la tournée des bivouacs des gilets jaunes aux ronds-points des villes. Par chez nous, comme on dit, on n'a vu personne.

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17 novembre 2018 à 20:16

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