La DS, symbole de l’excellence française, fête ses 70 ans !

Quant à notre déesse, elle s’en est repartie en son Panthéon !
(Photo by AFP)
(Photo by AFP)

En février dernier, on soufflait les 70 bougies de la DS, voiture mythique s’il en est, qui fut l’événement mondial du Salon de l’automobile de Paris, en octobre 1955. Plus qu’un simple véhicule, la DS devient tôt l’un des objets emblématiques de l’après-guerre. La preuve en est que le sémiologue Roland Barthes lui consacre un chapitre entier dans son célèbre ouvrage Mythologies (Seuil), publié en 1957, soit seulement deux ans après la naissance de la déesse routière en question.

Dessinée par un sculpteur italien…

À l’origine, la mère de notre DS nationale n’est autre que la fameuse Traction Avant, voiture révolutionnaire due au génie d’André Citroën, mort le 3 juillet 1935. La même année, Pierre Michelin et Pierre-Jules Boulanger, les repreneurs de sa société, entendent déjà poursuivre le projet du fondateur de la marque aux chevrons, soit plancher aussitôt sur un véhicule destiné à prendre, un jour, la relève de la Traction Avant. Un premier prototype est tôt dessiné par l’immense Flaminio Bertoni, sculpteur italien qu’on peut tenir pour le père du design industriel. Mais la Seconde Guerre mondiale arrive, obligeant le mirifique projet à demeurer dans les cartons. Il y reste d’autant plus longtemps que, le 11 novembre 1950, Pierre-Jules Boulanger meurt dans un accident de la route. Est-ce la fin de Citroën, une nouvelle fois encore ? Non. Car Robert Puiseux, alors à la tête de l’usine Michelin, reprend les rênes de ce joyau tricolore, s’adjoignant les services d’un visionnaire, Pierre Bercot. Sa mission ? Développer le projet DS. Mais à condition qu’il soit révolutionnaire, une fois encore, mais surtout bon marché. Le pari est indubitablement emporté haut la main.

Une révolution technologique…

L’habitacle est renforcé, au contraire de la carrosserie qui l’entoure ; ce qui permet d’amortir les chocs en cas de collision. La conduite est assistée, la suspension hydropneumatique signe la fin des ressorts antiques, tandis que l’usage de la boîte de vitesses est désormais facilité par une assistance hydraulique. Mieux : son tableau de bord sorti d’un film de science-fiction et son volant à une seule branche donnent à l’habitacle une allure des plus élégantes. Quant aux lignes, pas très éloignées du prototype original, elles sont encore améliorées par le même Flaminio Bertoni. Son génie ? S’inspirer du futurisme alors en vogue aux USA tout en maintenant une élégance parfaitement européenne, si ce n’est éminemment française.

À un mois du Salon de l’automobile, L’Auto-Journal fait monter la mayonnaise en dévoilant la merveille en avant-première et sans la moindre autorisation. Interdit d’enceinte, l’hebdomadaire parvient malgré tout à vendre 620.000 exemplaires à la criée devant les portes du Grand Palais ! Le public ne s’y trompe pas, adoptant de suite cet étrange bolide aux allures de fusée. La classe moyenne, évidemment, les femmes élégantes, il va de soi ; mais encore l’Élysée, tel qu’il se doit. Ainsi, la DS, fleuron du savoir-faire français, devient-elle « la » voiture des Présidents, celle du général de Gaulle au premier chef.

DS contre OAS…

C’est d’ailleurs ce dernier qui lui donne définitivement son heure de gloire, le 22 août 1962, à l’occasion de l’attentat du Petit-Clamart. Les hommes de l’OAS, décidés à en finir une bonne fois pour toutes avec le « liquidateur de l’Algérie française », tirent 187 balles sur le Général. 14 touchent de plein fouet la DS présidentielle. Pourtant, malgré deux pneus crevés et une chaussée glissante, son chauffeur évite la sortie de route, sauvant ainsi la vie de son auguste employeur. Ça, c’est de la publicité !

Star du grand écran…

Sans surprise, le septième art ne tarde pas à s’emparer de cette icône sur quatre roues. Elle crève l’écran dans Fantomas se déchaîne (1965), transformée en avion à réaction, dans Les Aventures de Rabbi Jacob (1973), avec son hors-bord fixé sur la galerie, dans Les Valseuses (1974), où elle clôt tragiquement les pérégrinations du fantasque duo formé par Gérard Depardieu et Patrick Dewaere. De l’autre côté de l’Atlantique, Hollywood ne tarde pas à s’en emparer, dans le Scarface (1983) de Brian De Palma, devenue symbole de la réussite de Tony Montana, le maffieux incarné par Al Pacino. En 1989, elle fait même une apparition remarquée dans le deuxième volet de Retour vers le futur, la trilogie de Robert Zemeckis.

Capture d'écran BA Fantomas se déchaîne

Pour ce qui est du neuvième art, la DS aura aussi les honneurs de Tintin et Milou (Coke en stock), de Spirou et Fantasio (Z comme Zorglub), de Gil Jourdan (Les Cargos du crépuscule) et de notre cher Gaston Lagaffe (Le Bureau des gaffes en gros).

Mieux : à la musique voluptueuse de son moteur aussi celle de Guy Marchand, notre regretté crooner, qui, dans sa chanson Taxi de nuit, nous susurrait à l’oreille : « Mes nuits passées dans ma DS. Ma vieille DS. Qui n’est plus de première jeunesse. » Bref, la DS, dans ses innombrables versions, ambulance ou coupé décapotable, faisait rêver, non seulement les Français, mais aussi une bonne partie de la planète.

En une époque où l’industrie automobile française est promise à un avenir à peu près aussi riant que notre défunte sidérurgie lorraine, cet anniversaire méritait bien qu’on s’y arrête. Car il n’y a pas si longtemps, la voiture était synonyme à la fois de liberté et de beauté. Les publicitaires ne s’y trompaient d’ailleurs pas, nous vendant du luxe et de la vitesse. Aujourd’hui, on ne nous refourgue plus que de la sécurité ; le tout emballé sur fond de rap, de mobilité partagée et d’écoresponsabilité à vocation punitive.

Quant à notre déesse, elle s’en est repartie en son Panthéon. D’ici-bas, nous la saluons, en grande dame qu’elle fut et demeure à jamais.

https://youtu.be/BKM4g6C_5rE

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 27/04/2025 à 16:56.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

36 commentaires

  1. J’ai eu le privilège de posséder une DS 23 inj Pallas avec boite hydraulique . Confort , silence , tenue de route impériale . Dans les années 80 , de nuit sur les boulevards des maréchaux parisiens ( pavés à l’époque ) et sous la pluie petites sportives ou berlines allemandes étaient vite oubliées dans le rétro . Certes ce n’était pas prudent , mais quel sentiment de liberté…..

  2. 4 vraies places et un vrai coffre. Aujourd’hui toutes les voitures basées sur le même concept « fausse camionnette » laissent le choix entre places arrières ou coffre mais pas les deux. Quel progrès.
    J’imagine une famille normale avec 2 ados partir en vacances. La galère.

  3. Pour avoir eu l’occasion de conduire différents modèles de DS, y compris Pallas, je peux dire qu’aucune autre automobile ne m’a donné les mêmes impressions. Légèreté, silence, confort incroyable, boîte séquentielle, freinage incomparable, que des choses uniques. Merci Nicolas Gauthier pour votre article.

  4. Ah, la DS, que ma mère s’ingéniait à écrire Déesse, particulièrement la DS 23ie automatique Pallas que mon père conduisait avec des gants sport !
    Moi, français qui vit en Grande-Bretagne depuis longtemps, la DS y est considérée comme un objet d’art de l’automobile, un joyaux à la française, au même niveau que la Jaguar Type E, c’est tout dire !

  5. Une voiture qui portait bien son nom. Déesse de confort, d’élégance et de technologie, même avec ses imperfections.
    Aujourd’hui, Dieu que les voitures sont laides et se ressemblent toutes ! Si j’en avais les moyens, je n’hésiterai pas à m’en acheter une.

  6. Excellent article. La fin de la déesse était un signe annonciateur de notre descente aux enfers.
    Dans les années 70 je travaillais chez Citroên à Rennes et la CGT de merde face à une hiérarchie de plus en plus frileuse a saboté à petits feux ce joyau.
    Plus récemment je suis passée dans un autre fleuron français, l’aéronautique en terre girondine et les mêmes causes ont produit les mêmes effets mais plus rapides avec des patrons de goooooche. Nous constatons les résultats. Je les ai subi de plein fouet jusqu’à un procès …..que j’ai gagné.
    Une drôle d’histoire que je raconte dans ma biographie et très instructive sur ce qui se passe dans le secteur industriel devenu moribond.

  7. Nostalgie… Nostalgie…
    Quelle élégance avait cette voiture.
    À l’époque, nous roulions (vite voire très vite) sans ceinture de sécurité. Nous n’étions pas cernés par les réglementations en tout genre, nous étions libres et responsables de nous-mêmes.
    Je ne voudrais pas tomber dans le « c’était mieux avant », mais un peu quand même.
    Merci pour le « Taxi de nuit » de Guy Marchand.

  8. PSA à l’époque était incapable de conserver les acquis de Citroen comme ils ont bien été conseillé et aidé par les conards sortant de l’ENA et autres écoles bien Républicaines ils ont fermé une usine de 7000 personnes qui fabriquaient des vélos. Bien qu’a l’époque déjà ces sites étaient pourris par la CGT dont la majorité de ces glandeurs ont été élus et les pires de 68 ont fini dans les hautes terres publiques jusqu’au Sénat, élus par les Français Républicains majoritairement déjà en devenir d’une grande fainéantise.

  9. La France a du talent et combien de belles inventions devons nous aux français . Et qu’ont ils fait nos élus depuis plus de 40 ans , ils ont bradé , dilapidé notre savoir faire et nos inventions , quand ils ne les ont pas classé secret défense pour protéger certains .0

  10. Véhicule compliqué , couteux à entretenir , système hydraulique pour les suspensions , à l’époque un acheteur déçu avait dit : je l’ai vendu pour racheter une Bentley c’est plus fiable et moins cher à entretenir …
    Citroen a créé la marque DS, mais à eu la sottise de ne pas produire un véhicule haut de gamme moderne évoquant la ligne sublime de la DS , d’autres marques Fiat ((500) et Mini , ont su exploiter avec succès la nostalgie des véhicules de l’époque .

    • Plus que la DS, la 2CV fut la véritable innovation de cette époque. Pas sur le plan technique, mais sur le plan sociologique. Ce fut ma première voiture d’étudiant fauché. On a peine à le croire aujourd’hui, mais il y eut une petite fenêtre dans l’histoire de l’automobile, les années 55-75, pendant laquelle la voiture ne fut pas l’apanage des classes les plus aisées, et la 2CV en fut le symbole. Véhicule adapté à toutes les utilisations, même le tout-terrain, facile à entretenir, costaud et bon marché. Nos élites n’aiment pas s’en rappeler, parce qu’elle est également un marqueur du début de notre descente aux enfers. Combien de temps durerait une 2CV aujourd’hui dans nos rues, avec son toit baché, ses portières et ses vitres mal sécurisées.
      Cela fait réfléchir sur la qualité de vie que nous avions … avant le vivre-ensemble !…

      • La 2 cv , sécurité active impressionnante , impossible de la renverser , mais, sécurité passive déplorable , elle ne passerait plus au crash test , en cas d’accident c’est désastreux pour ses occupants .

    • Oui, les DS actuelles n’ont rien à voir avec celle qui a inspiré la reprise de son nom. L’idée de créer une série de voiture plus haut de gamme (sans être vraiment luxueuse) pour contrer les berline allemandes et pour être en tête de gamme des voitures françaises est très bonne.
      Mais elles sont moches ! (seule la petite DS3 était sympathique) Rien de spécial, pas de « peps », pas de piquant, on dirait des japonaises. Les designers ont raté leur création ou bien la direction ne les a pas suivis. Une voiture qui prétend être supérieure DOIT être belle et innovante, sinon ce n’est même pas la peine de la créer.

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