Ça y est, la sentence est tombée : avec cette affaire du hijab Décathlon®, la France est devenue "la risée du monde". Carrément. Et ça ne vient pas de n’importe qui : d’un expert en dérision, Yassine Belattar, l’« humoriste » membre du Conseil présidentiel des villes. Une sentence qui fait écho à l’article publié, mercredi, sur le Washington Post dans lequel son correspondant en France, James McAuley, ironise sur cette affaire : "Une fois encore, la France sombre dans le mélodrame à l’idée que les musulmanes puissent choisir quoi porter."

Le sang de Belattar n’a fait qu’un tour avec cette polémique. Avec la distinction qui sied à un conseiller présidentiel, il a publié sur son compte Twitter une petite « tribune » dans laquelle il explique qu’à son époque (l’artiste rappelle qu’il est né en 1982), "on s’en battait les couilles de savoir qui était musulman, juif, chrétien, noir, gay. On était tous égaux face au club Dorothée". C’est bien connu, c’était mieux avant. Et avant avant, pourrait-on dire à Belattar, c’était encore plus mieux... Bref, les années Mitterrand étaient un âge d’or. Et il est vrai qu’à cette époque, pour ma génération, qui n’était pas celle du club Dorothée, Belphégor évoquait un feuilleton télévisé avec Juliette Gréco dans les années 60, pas des fantômes croisés dans les rues de certaines de nos cités. On a la mémoire de sa génération, que voulez-vous.

Donc, Belattar est en colère parce que Décathlon® a renoncé à commercialiser le hijab en France, selon lui, sous la pression des populistes. "Décathlon® a pris peur et l’a retiré." La France serait donc la risée du monde. Car "maintenant, il va falloir demander l’autorisation pour vendre ou pas certains produits. Les cagoules des enfants, est-ce que c’est islamiste ?" Le hijab serait donc tout simplement une sorte de cagoule pour femmes, quelque chose de très anodin, rien d’autre ? Rien d’islamiste ? Du coup, Belattar appelle "à un grand rassemblement, le 13 avril, place de la République, pour montrer notre mécontentement ; ce sera la dignité, c’est tout ce qu’il nous reste". Mais c’est qui, ce "nous" ? On croyait qu’il n’y avait qu’une seule communauté en ce pays : la communauté nationale !

On voit bien que tous les arguments sont bons pour banaliser, dans notre espace public, des coutumes qui ne correspondent pas à notre civilisation européenne. Par une sorte de manœuvre de contournement, on invoque déjà celui de la liberté des femmes. Le hijab permettrait, aux femmes de confession musulmane, de pratiquer le sport en toute liberté. Interdire le port reviendrait à interdire aux musulmanes le sport. Avec cet argument, il n’y a pas de raison de ne pas revenir sur l’interdiction de la burka (interdiction mollement appliquée en certains lieux) : si les femmes musulmanes pouvaient porter ce voile intégral dans l’espace public, beaucoup moins d’entre elles seraient contraintes au cloître dans l’appartement et à renoncer à aller faire les courses au Franprix®. Ça se défend, n'est-ce pas… Mais un nouvel argument surgit : nous nous ridiculisons aux yeux du monde. Ce qui reste à prouver, mais ça, c’est pas grave… Cet argument ? Au fond, les arriérés, les obscurantistes, c’est ces Français qui s’opposent au libre choix des femmes de se couvrir la tête (ou pas, en option). C’est ainsi que le Washington Post qualifie cette affaire d’"histrionics", que l’on pourrait traduire librement par « mélodrame », « psychodrame », « comédie » et, pourquoi pas, « hystérie collective ».

La France, l’histrion, c’est-à-dire le bouffon, de la planète ? Sur certains sujets peut-être... Mais sur celui de son identité profonde, cette affaire du hijab Décathlon® révèle peut-être que les Français ont encore quelques ressorts. La risée du monde entier, donc ? Il faudrait peut-être que M. Belattar pose la question aux femmes de certains pays, par exemple, aux Iraniennes, qui se battent pour ne plus être voilées.

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28 février 2019 à 18:12

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