« Il n’y a aucune volonté politique, en France, d’assurer la fécondité suffisante »

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Selon un rapport du Haut-commissariat au Plan, récemment rendu public, il manquerait entre 40 et 50.000 naissances par an pour assurer la pérennité de notre système de protection sociale. Y a-t-il, en France, une volonté politique pour relancer la natalité ? Réponse et explications de Dominique Marcilhacy, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet crucial pour l'avenir de notre pays.

 

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Dans un rapport du Haut-Commissariat au Plan, présenté par François Bayrou, l’indice de fécondité des françaises est en berne. Y a-t-il une volonté politique en France de relancer la natalité ?

 

Il n’y a aucune volonté politique en France depuis 50 ans d’assurer une fécondité suffisante. Jusque vers les années 75, la fécondité était satisfaisante car après la guerre un énorme effort en faveur de la famille avait été fait, 45 % des dépenses de protection sociale était pour la famille. En contrepartie, on ne dépensait quasiment rien pour les retraites et très peu pour l’assurance-maladie. Avec la crise du pétrole, la fécondité a commencé à diminuer. Il y a eu une légère remontée dans les années 2000, mais insuffisante pour assurer un renouvellement des générations.

En France, nous avons une immigration importante et les femmes d’origine étrangère font des enfants. Dans les années 2000, 12 % des enfants étaient issus de familles dans lesquelles au moins un des parents était extra-européen. Aujourd’hui, c’est 22 %. Si la fécondité est à ce niveau, c’est grâce à cet apport-là. Cependant elle est en baisse depuis 10 ans et on déplore un manque de 40 000 ou 50 000 naissances par an.

Si on n’a pas suffisamment d’enfants, on aura personne pour payer nos retraites. Après la guerre, l’objectif était d’avoir suffisamment de Français face aux Allemands. À partir du moment où le péril militaire s’est éloigné, puis avec la contestation idéologique de la famille vue comme un lieu d’oppression dans les années 60, on a essayé d’amoindrir son influence. Avoir une famille nombreuse supposait une organisation rigide, donc critiquée du point de vue idéologique. Les femmes autrefois étaient incitées à rester au foyer avec l’allocation de la femme au foyer des années 60. À partir des années 70, et encore plus de nos jours, l’idée est que les femmes ont le droit d’avoir une activité professionnelle, et la vapeur s’est renversée puisqu’aujourd’hui les femmes qui restent à la maison pour élever des enfants se trouvent défavorisées. Les lois votées depuis une vingtaine d’années les défavorisent.

Du point de vue sociologique, la grande politique familiale mise en place après la guerre a été contesté.

La question financière est également importante. Après la guerre Le taux de cotisation vieillesse des actifs était de 5 %, Aujourd’hui on est à 27 %. Après la guerre on mourait jeune. Aujourd’hui nous avons une grosse population de personnes âgées qui touche des retraites confortables, payées avec des cotisations élevées, et qui se soigne. Il y a une explosion des dépenses d’assurance-maladie et des dépenses de retraite. Il faut donc faire des économies quelque part : depuis 50 ans on fait des économies sur la politique familiale car c’est facile. On connaît les allocataires et personne ne défend les familles. Les associations familiales sont mollassonnes et à la solde du gouvernement. Il n’y a donc pas de groupe de pression.

De fait la politique familiale se réduit de plus en plus d’un point de vue financier avec la désindexation des allocations familiales par rapport à l’inflation et leur mise sous condition de ressources. Par ailleurs il y a eu la disparition du quotient familial.

 

Si le gouvernement menait une politique familiale ambitieuse et incitait les femmes à avoir plus d’enfants, cela profiterait-il à l’immigration ?

 

Les femmes françaises ont des aspirations à la famille qui sont inassouvies. Et lorsqu’on leur demande qu’elle est la famille idéale, c’est en moyenne 3 enfants. Environ 20 % des femmes ne s’intéressent pas à cette question et veulent mener une carrière, 50 % des femmes veulent pouvoir faire les deux, et environ 30 % des femmes ont une vraie volonté d’élever une famille nombreuse.

Une grande partie de notre fécondité est due à l’apport des familles d’origine étrangère venant d’arriver car à la deuxième génération, un tassement se produit. Les jeunes filles d’origine étrangère ont des aspirations assez élevées et cela retarde l’âge du mariage.

Les familles qui arrive ont des habitudes de fécondité plus élevées et quand elles arrivent en France, elles sont contentes de trouver un système où les maternités sont sûres et où on peut élever des enfants.

A contrario les familles d’origine française, ne peuvent pas avoir autant d’enfants qu’elles veulent, ces familles nombreuses d’origine française ont quasiment disparu. Il ne reste que les familles nombreuses d’origine étrangère.

Il faut donc permettre à toutes les familles d’avoir le nombre d’enfants qu’elles veulent. Dans le système de protection sociale où tout est sous conditions de ressources, le système est favorable aux familles très modestes pour qui avoir les allocations familiales est important, souvent des familles d’origine étrangère.

Quand vous êtes très pauvre, le fait d’avoir un enfant de plus, surtout si il y a des allocations familiales, ne vous appauvrira pas beaucoup plus. Quand vous êtes très riche, vous pouvez-vous offrir un troisième enfant. Pour les classes moyennes, un enfant de plus fait baisser le niveau de vie, donc elles vont se retenir de l’avoir.

On n’empêchera pas les familles d’origine étrangère d’avoir plus d’enfants que les autres, mais il faut pousser les familles de classe moyenne à avoir les enfants qu’elles voudraient.

 

Relancer la natalité résoudrait-il le problème des retraites ?

 

Pour relancer la fécondité, il faut mettre beaucoup d’argent dans la politique familiale. Or il n’y a plus beaucoup d’argent. L’autre solution serait de changer de système. Cesser de donner des droits à la retraite en fonction de leur cotisation vieillesse et en revanche utiliser l’argent dépensé par les actifs pour la politique familiale au sens large, pour asseoir des droits à la retraite. Donc vous auriez des droits à la retraite en fonction de l’argent mis dans la génération à venir au travers de vos enfants ou de ceux des autres. Dans ce système-là qui ne coûte rien puisque l’argent dépensé sert à ouvrir des droits à la retraite, il y a une incitation évidente à avoir de nombreux enfants. C’est incitatif pour la société et d’un point de vue individuel, puisque si nous avez un enfant vous ne serez pas pénalisé mais au contraire récompensé.

Pour les populations étrangères, si elles décident de bien élever leurs enfants et les poussent pour les études et le travail, elles auront des droits à la retraite comme les autres, ce n’est que justice. En revanche, pour les familles qui ne vivent que des allocations familiales et du RSA et dont les enfants sont déscolarisés en troisième et ne travaillent pas, ce système-là n’a aucun intérêt.

Donc ceux qui s’investissent pour le pays et poussent leurs enfants pour les études et l’insertion professionnelle, seront récompensés et c’est l’intérêt de tout le monde.

 

 

 

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