Guerre en Ukraine : éléments pour la civilisation eurasienne

EURASIE

L'invasion que subit l'Ukraine depuis le 24 février marque un tournant dans l'histoire des relations internationales. En effet, la Russie de Vladimir Poutine n'entend plus supporter les tentatives d'otanisation d'un territoire qu'elle considère comme étant son point d'ancrage. Seulement, les Ukrainiens vendent cher leur peau et les Russes ne compteraient plus s'arrêter en si bon chemin. Peut-être envahir la Moldavie et la Géorgie, aussi ? Pourquoi ? Afin de reconstituer le bloc eurasiatique.

Leur regard est tourné définitivement vers l'Est, notamment depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Vers le voisin chinois, non sans escalades avec les Occidentaux, dans les paroles et dans les actes. In fine, cyberattaques et menaces de frappes nucléaires. C’est pourtant bien cette Asie qui est encerclée, agressée. Elle a comme une obligation de se fortifier. Par conséquent, c'est une nouvelle crise des missiles, après celle de Cuba en 1962. Surtout, un retour à de vieux antagonismes remontant au XVIIIe siècle. La revanche de l'ancien monde sur le prétendu nouveau. Mais le prix est déjà trop élevé pour le Kremlin. Désormais, il fait face à une mise au ban à tous les étages : financier, commercial, numérique, médiatique, sportif et géopolitique. Comme si la Russie d’aujourd’hui ne valait pas plus que l’Allemagne des nazis. Plus dangereuse, donc, que les Qatar et Iran actuels...

Face à la bête, le philosophe garde à l’esprit qu'on ne peut jamais se débarrasser des structures ancestrales, de la terre et des morts. Il veut comprendre l'empire, celui du Bien, ce monde protestantisé qui ne cesse de nous inventer une guerre contre un Mal radical. Certes, deux civilisations sont sur le point de s'affronter durablement : le camp anglo-saxon, avec ses ruses, ses coups tordus, tendant toujours à taper au portefeuille au nom des règnes de l'individu et du capital, face au camp slave, voire extrême-oriental, qui fait montre de ses coups de force et de sa vision du cosmos, entre parties d'échecs et parties de go. L'art de la division (médias de masse, alcool, drogues...) contre l’art de la guerre. La vie individuelle contre la mort perpétuelle.

Il faudrait ignorer que « nous venons d'Asie », comme l’avait affirmé Schopenhauer en 1840. En vertu d'une conception non rationaliste du monde, le plus pessimiste des philosophes avait dit, tel un bouddha, que « la volonté est la substance de l'homme, l'intellect en est l'accident ». Parce que « la mort, c’est un sommeil où l’individualité s’oublie ; tout le reste de l’être aura son réveil, ou plutôt il n’a pas cessé d’être éveillé ». Nécessairement, la tasse qui se brise n’anéantit pas son thé. Métaphysiquement parlant, la mort primerait sur la vie. Un point d’accord fondamental avec Joseph de Maistre, pour qui « la guerre est divine », contre les Lumières, contre les révolutions démocratiques et libérales. Avec le ministre de Sardaigne en Russie, de 1802 à 1817, qui avait précisément écrit Les Soirées de Saint-Pétersbourg : « Dieu qui est l’auteur de la souveraineté l’est donc aussi du châtiment. » Il avait perçu, également parmi les Slaves, que « l'homme, qui ne vaut que parce qu'il croit, ne vaut rien s'il ne croit rien ». Mais, à présent, tout est inversé : les Russes seraient des illuminés… Dans le piège du « cercle de la raison ». Ou réalisme et matérialisme contre idéalisme et spiritualisme. Nourritures terrestres contre entités célestes et marines, pour ne pas dire spatiales. Extrême centre contre extrême limite.

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

Vos commentaires

9 commentaires

  1. Laissons les russes et les ukrainiens gérer leurs problèmes .Je ne pense pas que Poutine soit aussi fou qu’on voudrait nous le faire croire et surtout le président ukrainien pas si innocent qu’on voudrait nous le faire croire .Depuis le début des hostilités pas un média pour dire que l’Ukraine bombarde le Dombass depuis 8 ans faisant de nombreuses victimes . Ces enfants , ces femmes et ces hommes ne sont ils rien pour la presse et pour nos élus .Jamais un mot ni un envoi d’aide aucune .

    • Vous oubliez la stratégie russe de re-conquête planifiée des républiques libérées après 1989 : agitation de foyers séparatistes fomentés par le kgb/svr parmi les milieux russophones, appel au grand-frère protecteur qui proclame reconnaître la souveraineté, aide militaire et « libération » par la force. Géorgie, Arménie avec Khasakstan, bientôt le tour de la Moldavie par la Transnistrie, de l’Estonie par l’enclave de Kaliningrad , etc… Poutine, dictateur sanguinaire ? Ben noooonnn voyons !…

  2. Un peu lasse de ce terme « d’invasion » qui n’en est pas une.
    M Poutine a toujours dit, et je le crois, ne pas vouloir annexer l’Ukraine, mais simplement faire en sorte de nous débarrasser des risques de nucléarisation de ce pays par l’OTAN, de faire respecter les traités internationaux qui indiquent que l’OTAN n’envahira pas l’st de notre continent, et faire arrêter le pilonnage du Donbass et le massacre de civils depuis 8 ans.

  3. Et n’oublions pas de tenir compte aussi de l’extension de l’Islam qui compte plus d’un milliard de fidèles dans le monde et que la Turquie et l’Iran ont vocation à fédérer. N’oublions pas non plus que l’Afrique comptera sous peu un milliard et demi d’habitants. La confrontation ne sera plus bientôt avec l’impérialisme Américain. Et comment tournera l’Amérique du Sud ?

    • Une solution très simple et rapide : alliance entre Europe et Russie, cette dernière en profitant pour concrétiser son vieux rêve : percer à l’Ouest, mettre un peignée à la Turquie et occuper les détroits.
      Coup double : on se débarrasse d’Erdogan et l’Islam retourne dans sa niche pour au moins deux siècles. Un vrai bonheur.

  4. « Celui qui ne regrette pas l’URSS n’a pas de coeur, mais celui qui souhaite son retour n’a pas de tête. »
    Ce sont les mots de Poutine.
    Alors pourquoi voudrait-il reconstituer le bloc eurasiatique ?

    • D’autant qu’il a annoncé ne même pas vouloir occuper l’Ukraine s’il peut en assurer la neutralité.

    • Parce que sans doute, on a dû abuser de la faiblesse supposée de la Russie devenue presque (!) démocrate après des siècles de tyrannie.

    • Poutine connaît probablement mieux Chrchill que Lathieu Lainé. Donc réattribuons au premier ce que Poutine semble avoir « revisité », comme il est de bon ton de dire à présent en matière de cuisine : Qui n’est pas communiste à 20 ans n’a pas de coeur, qui est communiste à 40 ans n’a pas de tête. George Benard Shaw avait la même chose avec l’anarchiste.
      Peut-être aussi que cette reconstitution est une réponse à la pression américaine par Otan interposée, laquelle otan aurait dû disparaître.

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