Gone et Antigone

lyon nuit

La plus belle des valeurs, non pas de la République mais de l’être humain, reste la résistance à l’oppression.

Cette voie royale a été ouverte, il y a 2.500 ans, par un certain Sophocle : il raconte qu’Antigone, la fille d’Œdipe, s'est opposée à Créon, roi de Thèbes, qui avait interdit, pour des raisons politiques, que son frère mort, Polynice, soit enseveli. « Ordre injuste », s’est elle écriée partout. Elle ne s’est pas contentée de râler ! Elle a enterré son frère, désobéissant ainsi au roi : elle en est morte. Elle avait, auparavant expliqué son geste : « Je n'allais pas, moi, céder à la crainte qu'inspire un homme, quel qu'il soit, et avoir à en répondre devant les Dieux. » Le sens du devoir avant tout. Majestueuse, elle ajoute : « Je n'aime pas ceux qui ne savent aimer qu'en paroles. » Quel panache ! Et aussi, quelle actualité ! Aujourd’hui, on traduirait ainsi cette sortie d’Antigone : « Grand diseux, petit faiseux ! »

Le site officiel de la municipalité de Lyon a informé : « En raison de la situation sanitaire, la fête des Lumières 2020 est annulée. Malgré tout, la ville de Lyon souhaite garder vivant l’esprit de la fête en invitant tous les Lyonnais et les Lyonnaises à célébrer le 8 décembre… en posant des lumignons sur ses fenêtres. » À Lyon, les lumignons, c’est la tradition. Mais depuis quelques décennies, des feux d’artifice se sont joints à la commémoration célébrant la vierge Marie qui, sur l’imploration des échevins, a jugulé l’épidémie de peste qui endeuillait la cité au XVIIe siècle.

Interdire les feux d’artifice ? Pas question ! Les Lyonnais – les gones – ne se sont pas laissé faire : ils ont organisé, en toute illégalité, un feu d’artifice formidable, tiré d’une quinzaine de points répartis dans la ville. Et soudain, la nuit tombée, le ciel de la capitale des Gaules s’est embrasé. Grâce à la désobéissance à l’ordre idiot, la fête a eu lieu et les enfants ont battu des mains. On dirait une fable dont on peut tirer trois leçons.

D’abord, avant d’interdire pour un motif quelconque, on serait bien inspiré de chercher des solutions alternatives. Ici, la mairie craignait les rassemblements, il n’y en a pas eu : la raison sanitaire tombe ipso facto. Interdire le feu d’artifice, c’était la solution paresseuse. Combien de solutions de ce genre sont prises, à tous les échelons, depuis le début de la crise actuelle ? 31 décembre, tire-fesses, nouba à 6… impossible de les énumérer toutes.

Ensuite, les gens ne sont pas des pions que l’on manipule en fonction de l’humeur du moment. Les journaux relatent la très grande satisfaction des Lyonnais devant la féerie du feu d’artifice. Il faudrait peut-être se mettre en tête d’écouter les gens ! L’autisme dont font preuve les autorités est destructeur.

Enfin, il faut du courage pour aller contre l’ordre idiot. En effet, vexées, les autorités – maire et préfet – ont « saisi la Justice » : les artificiers d’occasion risquent des ennuis. Pourtant, ils nous ont montré le chemin, comme l’avaient fait, en leur temps, les gilets jaunes.

Et si le salut passait par les feux d’artifice ? Gones et Antigone, même combat !

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Yannik Chauvin
Docteur en droit, écrivain, compositeur

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