Gilets jaunes : le pouvoir met ses menaces à exécution

Eric Drouet

C'est effectivement sans complaisance, comme l'avait promis le Président dans ses voeux, que cinquante heures après, l'une des figures les plus emblématiques des gilets jaunes, le chauffeur routier Éric Drouet, l'un des porte-voix d'une "foule haineuse", selon les propres termes présidentiels, a été interpellé.

Une interpellation mouvementée rue Royale, qu'Éric Drouet avait empruntée, suivi par une trentaine de sympathisants qui avaient ainsi répondu à un mot, posté le matin même sur Facebook, où il se proposait d'aller déposer des bougies sur la place de la Concorde en mémoire des dix gilets jaunes tués depuis le 17 novembre et des deux mille blessés des sept actes de revendications.

Seconde garde à vue, donc, pour ce rebelle de la République macronienne et pour certains de ses « followers » qui avaient, quelques minutes auparavant, descendu les Champs-Élysées sans autre signe distinctif que leurs petites bougies à piles, sans ce gilet jaune provocateur, sans aucune "intention de nuire", comme l'avait prétendu M. Castaner, au soir du réveillon.

Il semblerait qu'il soit interdit de marcher dans la rue en groupe, même de façon très fluide et sans mauvaises intentions. C'est ce qui s'est, en tout cas, passé mercredi soir, rue Royale, où une dizaine de fourgons de police et des dizaines de CRS ont bloqué dans une nasse, en face du restaurant Maxim's, les amis d'Éric Drouet et quelques touristes. Une dame de 75 ans, marchant avec une béquille, a même été bousculée et piétinée... Lorsque, outrée, l'une des « gilets jaunes sans gilet » a protesté auprès d'un CRS, celui-ci lui a répondu qu'elle s'était défendue de la bousculade avec sa béquille. Voilà la politique de celui qui veut nous proposer de retrouver la sérénité.

Filmées en direct par LCI, France Info et diffusées en live par des vidéastes comme Brut, Rémy Busine, par France Actus ou Vécu, ces interpellations ont eu lieu après la déclaration d'amour de Jean-Luc Mélenchon à Éric Drouet. Un véritable acte de foi envers celui que le chef de La France insoumise a comparé à son illustre homonyme qui avait fait arrêter le roi Louis XVI à Varennes, en 1791.

Avec cette garde à vue qui n'aboutira probablement à pas grand chose au plan judiciaire, le pouvoir macronien a décidé d'agir vite et de façon spectaculaire pour tenter d'enrayer cette révolte jaune. Mais, une fois de plus, ce pouvoir agit à l'inverse de ce qu'il devrait faire. Il fallait voir, sur l'ensemble des réseaux sociaux, combien vives ont été les réactions des internautes, gilets jaunes revendiqués ou non, la plupart déclarant que le combat continuerait de plus belle et que le Président Macron en paierait le prix fort. Mélenchon, bien sûr, a tweeté aussitôt son indignation : "De nouveau Éric Drouet interpellé. Pourquoi ? Abus de pouvoir. Une Police politique cible et harcèle désormais les animateurs du mouvement gilet jaune."

Il est vrai qu'avec de telles méthodes, on fait de ce gilet jaune un héros, sinon un martyr. Il est à craindre, malheureusement, désormais, qu'une certaine violence ne se déchaîne sur les ronds-points de France, et au cours des prochains actes. De telles interpellations ciblées, ajoutées au nombre incroyable de blessés, ne peuvent que fabriquer ce « peuple haineux » qui ne l'était pas au départ.

Les vœux présidentiels sont déjà bien loin de ce qu'ils nous promettaient... Abus de pouvoir, instrumentalisation de la police, répression violente. Tout cela n'annonce pas une bonne année 2019...

Floris de Bonneville
Floris de Bonneville
Journaliste - Ancien directeur des rédactions de l’Agence Gamma

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