Foot et existentialisme : les supporteurs sont-ils homophobes ou juste bêtes et méchants ?

FOOTBALL

Avertissement : les lignes qui suivent comportent en gras de vilains mots – ou pas. C’est à dessein, et quoi qu’il en soit et quoi que vous en pensiez, éloignez quand même les âmes sensibles et les enfants.

Il y a des choses importantes dans l’actualité et d’autres qui le sont moins. Ce jeudi, par exemple, les Anglais sont en train de se faire empapaouter gravement après que leur nouveau « Prime minister » Boris Johnson eut suspendu le Parlement ; on a aussi la petite Greta-les-belles-tresses qui vient d’arriver à New York, escortée par des bateaux de l’ONU, et qui a donné une leçon au président Trump : « Il faut écouter la science. » Non mais ! Hélas, Donald Trump s’en br… grave, prenant sans aucun doute les scientifiques pour des péd… Et puis on s’entretue à Gaza, ce dont tout le monde se fout royalement. À Istamboul, c’est le nouveau maire Ekrem İmamoğlu qui voudrait bien envoyer Erdoğan se faire voir chez les Grecs. On doute qu’il y parvienne. Et là-bas, la colère gronde contre les 500.000 Syriens réfugiés dans la mégapole. La population en a plein le c…

J’arrête là mon énumération d’événements parfaitement secondaires. L’actualité médiatique, aujourd’hui, est en effet occupée par un fait d’une autre importance : mercredi soir, le match de Ligue 1 entre Nice et Marseille a été interrompu à la 28e minute, cela, après plusieurs alertes du speaker ayant démarré à la 17e minute ; l’arbitre a alors invité les joueurs à regagner les vestiaires avant que le match ne reprenne dix minutes plus tard (désolée, je n’ai pas les secondes sur le chrono).

L’affaire est gravissime, vous dis-je, car à l’origine de ce drame qui a tenu en émoi les Français avachis sur leur canapé,

Tout d’abord, nous dit-on dans Le Figaro Sport, « les ultras de la Populaire Sud (ex-Brigade Sud) ont commencé à entonner le chant “Les Marseillais, c'est des pé...”, suivi de “La Ligue, on t'enc...” ». À la suite de quoi, deux banderoles ont été déployées dans les tribunes, la première mentionnant « LFP/Instance : des parcages pleins pour des stades plus gay » et la seconde « Bienvenue au groupe Ineos [sponsor de l’équipe cycliste du même nom et entreprise qui vient de racheter le club, NDLR] : à Nice aussi on aime la pédale ! »

On ne sourit pas. C’est grave. Gravissime, même, et Marlène Schiappa ne s’y est pas trompée qui a tweeté dans la nuit : « Le foot est une question de passion, pas de haine. Bravo à l’arbitre, Clément Turpin dont on connaît l’engagement pour le respect dans le foot, d’avoir interrompu le match OGCN-OM, alors que, malgré plusieurs demandes de retrait, une banderole homophobe salit les tribunes. »

Il est vrai, comme le rappelle ce matin la presse, que la secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations « a fait de la lutte contre les chants homophobes dans les stades l’un de ses combats prioritaires ». Alors cette nuit de la honte occupe ce matin les antennes et fait la une des journaux. France Info en a même fait le thème principal de sa matinale, tournant autour de cette interrogation métaphysico-sémantico-existentielle : « La ligue, on t’enc… » est-il un propos homophobe ou l’expression d’une culture populaire, voire d’une tradition folklorique, comme l’avancent certains ?

À l’heure où j’écris, proche du déjeuner, la chose n’est pas tranchée et je me garderai bien de le faire, d’autant que je ne suis pas footeuse, ni sur gazon ni sur canapé. Je constate simplement que, sauf à vouloir risquer une réprobation unanime suivie peut-être d’une condamnation du même métal, il ne sera bientôt plus possible d’utiliser toutes ces vilaines expressions (voir en tête de ce papier) qui émaillent nos propos ordinaires…

Enfin, si j’en crois les études sociologiques sur le comportement sexuel de nos contemporains, la pratique évoquée ici serait devenue, paraît-il, d’une grande banalité et nullement réservée aux couples homosexuels. Ce qui devrait faire tomber l’accusation d’homophobie…

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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