Finance contre démocratie : y aura-t-il une »marche sur Rome » le 2 juin ?
M. Di Maio, le président de M5S, appelle ses partisans à une grande manifestation contre le président Mattarella – dont il réclame la destitution -, ce samedi 2 juin. M. Salvini, le chef de la Ligue, est à ce jour resté plus prudent sur ces deux propositions. Car le temps travaille pour lui.
Mais on ne peut exclure qu'une marée humaine en colère ne se dirige, dans quatre jours, vers le Quirinal, qui abrite Mattarella. Que feront alors les carabinieri ? Mattarella pourra-t-il se maintenir ?
Même si ce mouvement n'était pas unitaire, il peut avoir de graves conséquences.
Conséquences économiques prévisibles, de toutes façons. Car le barrage, infondé constitutionnellement, opposé par Mattarella au gouvernement soutenu par les partis coalisés représentant 70 % des Italiens, a déjà des conséquences : la Bourse de Milan baisse fortement et l'euro aussi. Mais il pourrait y avoir bien pire ; et si la bulle financière diminuait, voire éclatait, la faute n'en serait pas à ceux qui la font éclater mais à ceux qui l'ont laissée se constituer au détriment de l'économie vraie et honnête.
Par ailleurs, si l'Italie est endettée (130 % du PIB), c'est surtout auprès des banques italiennes ; et il y a déjà eu des alertes préventives de faillites de deux ou trois banques provinciales, sauvées in extremis. Les sauvera-t-on à nouveau en cas de tornade financière ? Sauverait-on la Deutsche Bank ? Le pire du pire est que le "spread" (écart entre les taux allemands et italiens) ne cesse de se creuser. Or, la plupart des crédits immobiliers, en Italie, sont à taux variables, comme aux États-Unis avant l'explosion des subprimes. Il y aura inévitablement une augmentation des impayés ou une diminution de la consommation. Au passage, on notera que, comme l'analyse le Nobel Stiglitz (dans son ouvrage sur la crise de 2008 : Le Triomphe de la cupidité), la négligence que l'on pratique vis-à-vis des règles juridiques (notamment celles du droit de la consommation) est un facteur très aggravant.
Conséquences politiques imprévisibles, certes, mais imaginables. Si les manifestations de samedi ne conduisent pas Mattarella à s'enfuir, "son" président du Conseil, le pion du FMI et des milieux financiers, Carlo Cottarelli, choisi contre le pays, ne durera guère : les assemblées élues, acquises à la coalition, lui refuseront la confiance et les Italiens retourneront aux urnes en septembre sur fond de crise économique désormais inévitable.
Et la crise italienne accroîtra aussi, inévitablement, la crise européenne, monétaire, économique, sociale, puis politique. Les simples citoyens auront à payer les fautes et les magouilles des classes dirigeantes aux ordre de la cupide ploutocratie.
Tout ceci aurait été évité si on avait fait preuve d'un minimum de connaissances, de bon sens et de sens moral.
Il est bien tard - mais pas trop tard - pour lire (et non pas relire, car l’ignarerie ambiante est à ce point) la sagesse immortelle des anciens. L'Organon, d'Aristote, pour découvrir enfin qu'il existe une méthode (comme dit Descartes) pour conduire un raisonnement exact. Le De rerum natura de Lucrèce, et son commentaire par Cicéron, pour comprendre que chaque chose a une nature due à sa fonction et une place dans le monde. Les définitions (toujours actuelles) de la monnaie, de l'économie et de la finance par Xénophon et Aristote. Le lien fonctionnel intime entre la nation et l'économie chez Friedrich List (Le Système national d'économie politique). L'objectif de la vie en société, toujours selon Aristote, qui ne peut être que le bonheur. Et la façon d'en décider, selon Rousseau, qui ne peut être que la démocratie.
Alors, chacun comprendra pourquoi tous ces artefacts - Maastricht, Bruxelles, OMC, euro, agences de notation, FMI, finance - sont appelés à tomber en poussière. Et pourquoi il mentait si fort, voire blasphémait, Jean-Claude Juncker, en 2015, en pleine crise grecque, lorsqu'il décrétait :"Il n'y a pas de choix démocratique possible contre les traités européens" (Le Figaro, 30 janvier 2015). Préparait-il déjà sa place (comme son prédécesseur Barroso) chez Goldman Sachs ? Les intérêts financiers en jeu sont colossaux. Bien plus que quarante deniers.
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