Faux-semblants et vraies raisons du recul de l’âge de départ à la retraite

niger-bientot-pensions-retraites-seront-mensualisees

Les quinquennats d’Emmanuel Macron se suivent et les réformes des retraites ne se ressemblent pas ! En 2017, le président de la République prétendait réaliser une refonte du système qui rétablirait l’équité entre les Français en matière de retraite. En revanche, aucun souci d’ordre financier ne le pressait, puisque le système de retraite était « presque à l’équilibre », à en croire Jean-Paul Delevoye, alors haut-commissaire chargé de la réforme… La situation paraît avoir beaucoup évolué depuis, puisqu’en décembre 2021, Emmanuel Macron a annoncé qu’il y a « maintenant un problème de financement » et qu’il faudra donc « travailler plus longtemps ».

Adieu réforme de fond et équité, bonjour réforme paramétrique et économies… Pour remédier au déficit (qui n’existerait pourtant pas, selon le Conseil d’orientation des retraites, service attaché au Premier ministre…), le gouvernement envisage donc de reculer à 65 ans l’âge à partir duquel on pourra légalement prendre sa retraite (sauf dispositifs de départ anticipés ou privilèges octroyés à certaines catégories de fonctionnaires ou de salariés des entreprises publiques).

Reste à savoir si cette mesure suffira à remédier au déficit des retraite. Le gouvernement se réfère, plus ou moins implicitement, au précédent recul de deux ans opéré par la réforme Woerth de 2010, qui avait apporté une bouffée d’oxygène à un système déjà financièrement à bout de souffle, en augmentant le nombre des cotisants et réduisant celui des pensionnés. En ira-t-il de même, cette fois ? Rien n’est moins sûr, car la réforme Touraine de 2014 a allongé jusqu’à 43 ans la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier du taux plein. De ce fait, les personnes qui entrent sur le marché de l’emploi à partir de 22 ans doivent travailler jusqu’à 65 ans si elle veulent obtenir une pension complète et échapper au mécanisme très punitif de la décote, également instauré en 2010. Ce sera le cas, par exemple, de nombreux étudiants actuels (pour mémoire, 38 % des Français âgés de 25 à 34 ans possèdent un diplôme supérieur à Bac+2), mais aussi de jeunes qui, sans poursuivre leurs études aussi loin, « se cherchent » et font pendant quelque temps des « petits boulots » qui ne leur ouvrent pas de droits à la retraite.

Que l’âge de départ soit reporté ou pas, beaucoup de Français seront donc conduits à prendre leur retraite après avoir cotisé 43 ans, en raison de cet allongement de la durée de cotisation.

Ajoutons que les salariés du secteur privé ayant atteint ou dépassé l’âge de départ et remplissant les conditions du taux plein (c’est-à-dire ayant tous leurs trimestres cotisés) sont eux aussi amenés à différer d’un an leur cessation d’activité pour éviter un « malus » de 10 % sur leur retraite complémentaire pendant trois ans (dans la limite de l’âge de 67 ans), prévu par un accord Agirc-Arrco (régimes complémentaires) signé en octobre 2015. Sauf à accepter ce « malus », ces salariés liquident donc leurs droits à la retraite à l’âge de 63 ans, au minimum.

Le report à 65 ans ne produira donc pas tous les effets attendus ni les économies espérées. En revanche, comme d’habitude, l’État choisit à l’égard des administrés la voie de la contrainte plutôt que celle de l’incitation, en prétendant imposer à chacun le même carcan ; or, tout le monde ne pourra pas le supporter. Certaines voix, comme celle de l’association Sauvegarde Retraites, s’élèvent pour demander au contraire la retraite « à la carte », qui donnerait aux personnes la possibilité de choisir le moment d’interrompre leur activité, avec une pension plus ou moins importante selon l’effort contributif fourni (prenant en compte les cotisations versées, mais aussi la charge de famille). Pour montrer que c’est possible, l’association cite l’exemple du régime des professions libérales où la baisse de l’âge légal de 65 à 60 ans, décidée par la réforme Fillon de 2003, ne s’est pas traduite par une diminution parallèle de l’âge effectif de départ (celui auquel les personnes choisissent réellement de prendre leur retraite).

Mais on peut douter que l’administration souscrive à cette solution, qui reviendrait à traiter les Français en citoyens libres et responsables. Quant au gouvernement, l’essentiel est sans doute, à ses yeux, de pouvoir montrer à l’Union européenne et à ses créanciers qu’il est capable d’imposer une réforme, pour pouvoir continuer à emprunter à des taux (relativement) bas. Et après lui, le déluge…

Éric Letty
Éric Letty
Journaliste

Vos commentaires

27 commentaires

  1. “L’odieux” Pinochet avait mis en place un système dont on pourrait s’inspirer : 1°) Très bas revenus : retraites payées par l’État ; 2°) revenus moyen : cotisations « à la française” ; 3°) Hauts revenus : « débrouillez-vous tout seuls”. Ça n’a pas mal marché…

  2. Si macron éprouve des difficultés à financer les retraites, pas de problèmes, les moyens existent. Limiter les coûts de l’immigration est un bon début. Ensuite, revoir de près les subventions à ces « associations » de droits de tout et n’importe quoi diverses et variées. Enfin limiter, ou supprimer au besoin, les financements de la presse écrite et audio visuelle. Si une publication n’est pas lue, regardée ou écoutée c’est qu’elle n’intéresse personne, conclusion, on ferme le robinet à fric. Et des économies, il y en a d’autres à faire, et de sérieuses, le machin europe par exemple.

  3. Tous ces commentaires me paraissent frappés au coin du bon sens comme aurait dit Descartes.
    Ce gouvernement devrait d’abord penser à faire des économies pour augmenter les retraites au niveau de l’inflation, lutter férocement contre les fraudes aux retraites, au RSA, aux allocations en tout genre. Et réduire l’immigration au strict minimum. Ca en fait des économies tout ça !
    Mais avec ces lâches que peut-on espérer, sinon le pire.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Revivez le Grand oral des candidats de droite

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois