Éric Ciotti et Nadine Morano rallieront-ils le RN ?

morano ciotti

Jour après jour, petit bout par petit bout, à la façon du voleur chinois ou de l’étrangleur ottoman, l’étau se resserre sur cette droite naguère donnée pour être « de gouvernement ». C’est la prophétie de Charles Pasqua qui se réalise, quand il assurait à Jacques Chirac, au début des années 80, que, faute d’alliance avec le Front national, ce dernier finirait par manger le RPR tout cru. Nous y sommes.

Interrogée, ce mardi 23 mai, par Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV-RMC, Marine Le Pen n’exclut donc pas la participation d’Éric Ciotti et de Nadine Morano dans son possible gouvernement à venir : « Dépassons les étiquettes, je veux faire un gouvernement d’union nationale, ce n’est pas une question de droite ou de gauche, c’est autre chose que cela. […] J’ai besoin de gens qui aiment la France et qui veulent donner leur énergie, convictions, temps et compétences pour la France. C’est ma seule condition. »

Deux jours avant, Thierry Mariani, ancien du RPR aujourd’hui passé au RN, ne dit pas autre chose : « Je constate qu’aux Républicains, il y en a quelques-uns encore à être cohérents. Éric Ciotti, Nadine Morano, Guillaume Peltier. » Certes, ces propos concernent la prochaine élection présidentielle. Mais avant, il y a les régionales et ce cas de figure intéressant en PACA, où la droite « républicaine », celle de Renaud Muselier, président sortant du conseil régional, fait déjà alliance avec le parti présidentiel contre le même Thierry Mariani.

Là, ce n’est pas le RN qui prend LR en tenaille mais LREM, sommant ces derniers de choisir entre RN et LREM, quitte à se sacrifier sur l’autel humaniste. Pour le moment, Éric Ciotti ne s’en laisse pas compter. Mais rompra-t-il les amarres avec son état-major parisien ? Là est toute la question, question d’autant plus cruciale qu’il n’y a pas de liste 100 % LR en PACA.

De trois choses l’une. Ou il rentre au bercail des LR en appelant à voter pour la liste de Renaud Muselier. Ou il se tait. Ou il brûle ses vaisseaux en appelant à voter pour celle de Thierry Mariani. Quelle que soit l’option choisie, elle ne sera pas sans conséquence pour l’avenir.

Un indice ? Il y a quelque temps, à l’occasion d’un entretien accordé à Valeurs actuelles, le même Éric Ciotti affirme : « Ce qui nous sépare, en matière d’immigration et d’insécurité, du Rassemblement national ? Notre capacité à gouverner. » Cela sera ensuite tweeté par l’auteur, avant d’être détweeté par ses autorités de tutelle. Ce qui ne l’empêche pas d’affirmer, dans la foulée : « J’ai des convictions anciennes et solides que j’ai toujours défendues, mais je trouve absurde que lorsque le RN dit qu’il pleut, la bien-pensance dit qu’il fait soleil. »

Le plus intéressant, dans tout ceci, c’est qu’à aucun moment cet impétueux député n’évoque le candidat LR qu’il soutiendra, ou pas, en 2022. Comme s’il en avait déjà fait son deuil. Comme si l’hypothèse Xavier Bertrand n’entrait déjà plus dans l’équation.

Tel doit être aussi le dilemme de Nadine Morano, ancienne égérie d’une Sarkozye jadis triomphante, mais mise au rebut, en même temps que sa consœur d’alors, Rachida Dati, pour opinions trop droitières. Le parallèle entre ces deux femmes de tête n’a rien d’incongru, sachant qu’elles ont dû payer toutes deux le prix dont il faut s’acquitter, lorsque mal nées. On imagine le mépris de classe d’un François Baroin, issu d’une longue lignée républicaine, face à la beurette venue des cités, à la gisquette issue de la France d’en bas…

Ce qui explique peut-être les sorties rogommes de Nadine Morano, récemment écartée de la liste LR dans le Grand Est : « Je ne me suis pas engagée en politique contre le RN mais pour servir la France. » Mais sachant que souvent femme varie et que fol est qu’y s'y fie, Nadine Morano refuse pour le moment les avances de Marine Le Pen, la jugeant « trop à gauche sur le plan économique ».

Trop à gauche, pas assez à droite ? Tout cela est aussi gauche que maladroit.

En attendant, Emmanuel Macron bénéficie d’autres soutiens : le rappeur Youssoupha et les youtubeurs McFly et Carlito. Cela suffira-t-il pour faire la différence en 2022 ?

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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