Émeutes à l’italienne contre les restrictions anti-pandémie
À Mestre, ville située à l’entrée de la lagune de Venise, s’est jouée une scène étrange. À l’Osteria Plip, une soixantaine de convives sont attablés, dont le maire de Venise Luigi Brugnaro, et le conseiller municipal (vert) d’opposition Gianfranco Bettin : il est cinq heures du matin et c’est autour d’un bon repas que les élus entendent protester contre le nouveau DPCM, le décret de la présidence du Conseil des ministres qui impose un couvre-feu à 18 heures aux restaurants et aux bars, tandis que les cinémas, théâtres, salles de sport et piscines doivent fermer, ainsi que la plupart des collèges et lycées.
Le « semi-lockdown », le confinement qui ne dit pas son nom, décidé à la hâte et dans la nuit du 23 au 24 octobre par Giuseppe Conte, passe très mal et la très civile protestation du restaurant vénitien n’est que l’un des premiers épisodes de la révolte sociale qui enfle, ces dernières heures, en Italie. À Naples, la place du Plébiscite est, depuis plusieurs soirs, le théâtre d’affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre, à Milan, Turin, à Rome, place du Peuple et place du Panthéon, à Salerne, à Caserte… L’Italie s’enflamme et la prédiction de Luciana Lamorgese, ministre de l’Intérieur de l’actuel gouvernement qui disait, l’été dernier, redouter un automne « chaud » de tensions sociales, est en train de se réaliser. Très vite, des heurts ont éclaté et le quotidien de gauche La Repubblica, qui joue vis-à-vis du pouvoir le même rôle de passe-plats que Le Monde avec la Macronie, a tôt fait de dénoncer les exactions des extrémistes bruns.
Qu’en est-il, réellement ? Vu de France, on a l’impression que se rejoue, de l’autre côté des Alpes, la tragédie des gilets jaunes : les protestataires sont les commerçants et entrepreneurs, ceux qui ont réussi à survivre au premier confinement, exténués et exaspérés. Pour eux, ni salaire ni télétravail ne sont envisageables si l’économie est de nouveau à l’arrêt. Mais ils ne sont pas seuls à manifester. Ce ne sont pas seulement « les néofascistes qui spéculent sur la peur de la crise » (dixit La Repubblica) qui transforment les manifestations jusqu’à présent pacifiques en émeutes – cocktails Molotov, fumigènes, jets de pierres et casseurs, sur un air de déjà-vu - mais aussi, selon le quotidien Il Giornale citant des sources policières, les « ultras », ces groupes organisés de hooligans, tifosis violents des matchs de foot à l’origine d’affrontements en marge des manifestations sportives. Ou encore, dans le sud de l’Italie, des membres de la Camorra (mafia napolitaine). Et puis, outre « les professionnels du crime », il y a, comme on dit en Italie, « des jeunes extra-communautaires » : à Turin, la vidéo de la boutique Gucci vandalisée a fait le tour du Web. Deux citoyens égyptiens, dont l’un mineur, ont été arrêtés à quelques pas du magasin, les mains encore pleines de marchandises volées.
Une classe moyenne entrepreneuriale exsangue, une criminalité très organisée, où se mêlent mafieux et clandestins - la malavità, comme on dit en Italie - et des hooligans qui sont, là-bas, une vraie force de subversion : tout est réuni pour former un cocktail explosif.
Mais à qui profite le crime ?
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