Effets pervers du « quoi qu’il en coûte » : ils ne veulent plus retourner bosser !

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Il paraît que la vie reprend. Je veux y croire. D’ailleurs, il y a un signe qui ne trompe pas : les syndicats cheminots (SUD Rail, CGT, UNSA, CFDT) appellent à une grève nationale le 1er juillet, jour de départ en vacances. Déjà, ce lundi 21 juin, le trafic était perturbé en Île-de-France. Un rodage, en somme, après tous ces mois d’activité réduite.

« Contre la jungle sociale, pour nos salaires, nos emplois, nos droits, pour un statut social des cheminots protecteur : tous en grève ! », clame la CGT, quand SUD Rail assure que « la coupe est pleine ». Les soutiers du rail réclament avant tout le maintien de leur régime spécial de retraite et celui des « facilités de circulation ».

La gréviculture, ça ne s’improvise pas. Il faut se remettre dans le bain et beaucoup n’ont aucune envie d’y replonger. C’est grave, docteur ? Il semble que oui. Le Point a enquêté : « Des entreprises comme des 200.000 restaurants du pays qui rouvrent enfin leurs portes monte une rumeur sourde : les Français seraient nombreux, très nombreux, à se détourner du travail. Du simple employé au cadre dirigeant. »

C’est dans la restauration que l’on voit exploser les ravages de la maladie : il manque, aujourd’hui, 20 % des effectifs, dit le président de l’Association française des maîtres restaurateurs. « Le chômage partiel qui est encore en place a développé une forme d’oisiveté obligatoire, dit-il. Certains salariés ont beaucoup de mal à revenir. Cette situation a véritablement ébranlé et annihilé la valeur travail. Elle a été vidangée de sa force et de son sens. Beaucoup se demandent : "Qu’est-ce que je fais là ?" La casse est énorme. En particulier dans ce métier. » Propos repris par le directeur de la prospective d’une agence de conseil en stratégie business qui s’interroge sur « les effets potentiellement pervers des amortisseurs sociaux massivement déployés, en France comme dans toutes les économies développées, pour atténuer les effets de la crise sanitaire ».

Reste que la France, en ce domaine, a été beaucoup plus généreuse que ses voisins européens : l’allocation de chômage partiel reçue par un salarié français représentait (et représente toujours) 84 % de son salaire net mensuel (ou 100 % s’il est au SMIC), contre 60 % pour un salarié allemand (et 67 % s’il a des enfants). Indemnité plafonnée en Allemagne mais pas en France. Petit changement à compter du 1er juillet : les Français au chômage partiel percevront une indemnité correspondant à 72 % de leur salaire net, plafonnée à 27,68 € par heure. Alors « le risque auquel nous sommes dorénavant confrontés est de voir s’installer un désenchantement de l’effort », dit l’expert en stratégie business.

Bref, les gens n’ont plus envie de bosser et lorsqu’il a fallu y retourner, on a vu fleurir en masse les arrêts maladie. C’est « l’angoisse du retour », ont diagnostiqué les médecins complaisants. Partout, dit un conseiller ministériel, « les chefs d’entreprise font remonter une reprise du travail compliquée. Des gens renâclent à travailler en présentiel, insistent pour ne venir que deux jours ou décident d’autorité de prolonger leur week-end… » Il y en a même qui ont déménagé pour la campagne sans prévenir leur patron et inventent toute sorte de subterfuges pour ne pas reparaître au boulot.

Il y a pourtant urgence à « remettre le pays au travail », dit-on en haut lieu, sauf que le mauvais pli est pris et que la fameuse « préférence française pour le chômage » entretient l’illusion que l’État peut offrir indéfiniment à chacun une oisiveté rémunérée…

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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