Corse : tout un village refuse le déplacement de son calvaire

Le 14 avril dernier, dans le village de Quasquara (Corse-du-Sud), commune d'une soixantaine d'habitants, s’est tenue une manifestation réunissant une centaine de personnes. Organisée par un syndicat de jeunes indépendantistes, Ghjuventù Indipendentista (en corse « Jeunesse indépendantiste »), elle demandait la conservation d’un calvaire menacé. Une mobilisation déclenchée par la plainte d’une habitante qui avait effectué un recours auprès du tribunal administratif de Bastia, en avril 2023, pour demander le déplacement du calvaire du village en dehors de l’espace public, au nom du respect de la laïcité.

Quand ce ne sont pas des calvaires sciés, des statues taguées ou déboulonnées ou encore des tombes dégradées, l’œuvre de destruction peut donc prendre un chemin judiciaire. Ce procédé, spécialité de la très laïcarde association La Libre Pensée qui s’est illustrée par son zèle avec les médiatiques affaires de la statue de l’archange saint Michel aux Sables-d’Olonne ou de la Vierge à La Flotte-en-Ré, est cette fois lancé par une simple administrée, ex-adversaire politique de l’équipe municipale en 2020.

Lors d’un discours, les orateurs de ce syndicat indépendantiste ont signifié, en corse et en français, à quel point la culture et l’histoire corses étaient imprégnées de la foi chrétienne et combien l’Église avait rythmé la vie de la Corse. Ils ont affirmé leur détermination : « Nous veillerons à ce qu’aucun recours ne soit adopté. S’il venait à l’être, nous saurons nous mobiliser en conséquence. » Et d'ajouter : « L’héritage chrétien ne sera jamais remis en question par des personnes qui essaient de détruire notre culture au nom d’une pseudo-laïcité. »

Une résistance largement propagée

Il n'en fallait pas plus pour que le tout nouveau parti indépendantiste Nazione, qui soutient la lutte armée, apporte son soutien au maire de Quasquara, Paul-Antoine Bertolozzi, et dénonce une conception de la laïcité importée du continent : « C’est cette conception corse d’une laïcité apaisée, qui est un élément d’équilibre de notre société, qu’un laïcisme intégriste et procédurier à usu francese vient aujourd’hui fragiliser. » Jusqu'à maintenant, effectivement, la Corse avait été préservée de ces polémiques. La Corse perpétue plutôt les vieilles traditions catholiques : on continue à y célébrer les rogations et autres processions religieuses et il n'est pas rare de voir un maire revêtu de son écharpe assister à une cérémonie religieuse. Couronnant le tout, l'hymne à la Vierge Salve Regina est... l’hymne de l’île de Beauté !

Une pétition a ainsi été lancée le 14 avril. Elle dépasse le simple cadre du calvaire menacé en demandant l’arrêt des pressions antichrétiennes sur l’île de Beauté. De son côté, le maire, interrogé par Le Parisien, déclare : « Je n’ai pas cherché la célébrité. Je veux simplement remercier toutes les personnes qui sont derrière moi. Des gens de tous les partis politiques et obédiences culturelles confondus… » Les réactions dépassent le simple fait religieux, provoquant de nombreux messages de soutien sur X. Des Corses, solidement attachés à leur terre, voient dans ces calvaires comme dans les statues un héritage culturel.

La plaignante de Quasquara n’en est pas à son premier fait d’armes. Selon de nombreux villageois, elle s’était déjà fait remarquer en se plaignant de nombreuses fois auprès du maire des... cloches de l’église. Face à l’action en justice de cette administrée, la municipalité doit produire un mémoire en défense devant le tribunal administratif. L’avenir dira de quel côté se placent les juges. Du laïcisme pétri d’idéologie revêtu des oripeaux du droit ou du droit qui laisse de l’espace au patrimoine culturel, reposant ou non sur la foi catholique.

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