Chernobyl, le feuilleton polémique sur la catastrophe nucléaire de 1986 sorti en DVD

Chernobyl, le feuilleton polémique sur la catastrophe nucléaire de 1986 sorti en DVD

Nous évoquions, en décembre dernier, The Looming tower, le mini-feuilleton de dix épisodes sur les conditions qui rendirent possibles les attentats du 11 septembre 2001. Une fiction politique comme seuls les Américains en ont le secret, richement documentée et bénéficiant d’une mise en scène au cordeau. Dans une démarche assez similaire à celle de la plate-forme de streaming Hulu, la chaîne américaine HBO et son partenaire britannique Sky nous proposent aujourd’hui un feuilleton en cinq épisodes sur la catastrophe ukrainienne survenue en 1986 à la centrale nucléaire V.I. Lénine. Un événement qui, selon les mots de Gorbatchev, en 2006, « fut peut-être la véritable raison de l’effondrement de l’Union soviétique ».

Sorti récemment en DVD et Blu-ray et sobrement intitulé Chernobyl (sans le « T »), le projet de Craig Mazin et du réalisateur Johan Renck a le mérite de condenser un nombre d'événements important répartis sur deux longues années, de 1986 à 1988. De la catastrophe du 26 avril, qui occupe en soi un épisode entier, à ses conséquences sanitaires puis politiques, rien n’est laissé de côté.

Si l’ensemble du récit brasse une multitude de personnages qui ne font parfois que se croiser – on pense aux techniciens de la centrale (responsables officiels de la catastrophe), aux pompiers chargés de stopper l’incendie, aux mineurs sacrifiant leur vie pour creuser 167 mètres de tunnel sous le réacteur en fusion, et au personnel médical qui s’occupa des blessés –, le scénario s’articule principalement autour de deux héros : le scientifique Valeri Legassov, directeur adjoint de l'Institut d'énergie atomique de Kourtchatov, et Boris Chtcherbina, vice-président du Conseil des ministres de l'URSS.

Respectivement interprétés par Jared Harris et Stellan Skarsgård, ces deux personnages aux caractères dissemblables, et au départ incompatibles, se voient chargés par Gorbatchev de contenir une situation inédite et imprévisible, et naviguent à vue au gré des complications qui s’amoncellent. Très vite, le chercheur Legassov, pessimiste et consciencieux, gagne le respect et le soutien de son acolyte Chtcherbina, homme politique de poigne, terre à terre, pragmatique et réactif, prompt à prendre les décisions qui s’imposent sur les conseils du scientifique dans un domaine qu’il ne maîtrise absolument pas et dont il cherche désespérément à comprendre les tenants et aboutissants.

Passionnante de bout en bout, Chernobyl, en dépit de son caractère antirusse qu’il serait évidemment stupide de nier quand on sait l’instrumentalisation qui fut faite de tout temps de la télévision et du cinéma par les Américains, notamment durant la guerre froide puis durant les guerres du Golfe, célèbre malgré tout l’héroïsme de milliers de Soviétiques qui acceptèrent de se porter volontaires, souvent au péril de leur vie, pour approcher la centrale nucléaire, contenir les dégâts et sauver des millions de vies en Ukraine comme dans les pays limitrophes.

La tentative des auteurs de vulgariser les explications scientifiques sur les causes du sinistre est louable – car nécessaire à un travail honnête – mais la fiction se révèle, hélas, très vite dépassée par la complexité de l’affaire et il est bien difficile d’y comprendre quelque chose. On devine tant bien que mal que les ouvriers de la centrale ont commis, certes, des erreurs aux conséquences dramatiques mais que, de surcroît, le système de sécurité qu’ils activèrent à la dernière minute et qui dut stopper net la catastrophe présentait un défaut de conception le rendant inopérant. Un défaut de conception commun à tous les réacteurs RBMK utilisés à l’époque dans les centrales nucléaires d’Union soviétique et dû, principalement, à des choix de fabrication aux moindres coûts…

Un peu partout dans le monde, Chernobyl fut encensé par la critique, y compris en Russie. Cependant, certains médias proches du pouvoir contestent, à présent, le bilan accablant que dresse le feuilleton dans sa conclusion. La chaîne publique russe NTV a même, d’ores et déjà, prévu la production d’une fiction afin de présenter sa propre version des faits et contrer « la propagande américaine ». Un projet que l’on suivra de près et que l’on ne manquera pas de comparer à celui de HBO.

4 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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