« Cette proposition de loi qui soumet les écoles hors contrat à une autorisation préalable d’installation porte directement atteinte à une liberté fondamentale »
Françoise Gatel, sénatrice UDI d'Île-et-Vilaine, a déposé un projet au Sénat pour encadrer les écoles privées hors contrat.
Objectif : lutter contre l'ouverture d'écoles dites "radicalisantes". Ce projet prévoit, entre autres dispositions, une autorisation préalable des pouvoirs publics pour l'ouverture d'un établissement.
Patrick Roux, président de la FNEP (Fédération nationale de l'enseignement privé) explique, au micro de Boulevard Voltaire, en quoi ce projet qui poursuit un but légitime comporte des dispositions portant directement atteinte à la liberté fondamentale de libre installation d'un établissement scolaire.
Patrick Roux, vous êtes président de la FNEP. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste exactement ?
La Fédération nationale de l’Enseignement privé a été créée en 1847 constitue la seule organisation représentative au sens légal de l’enseignement privé indépendant, aussi appelé hors contrat, de la maternelle aux grandes écoles d’ingénieurs ou de commerce.
La sénatrice Françoise Gatel a déposé récemment un projet de loi qui a pour ambition de mieux encadrer les écoles hors contrat. Comment accueillez-vous cette initiative ?
Il y a plusieurs pistes dans ce projet. Il y a la volonté affichée de faire en sorte que l’école ne devienne pas des lieux de déviance et de radicalisation. Nous avions connu la même inquiétude dans les années 2001-2002 dans le cadre de la lutte contre les sectes. Nous ne voyons aucun inconvénient à cet objectif.
En revanche, dans le cadre de cette loi, différents amendements reviennent à mettre en place une autorisation préalable. Il n’y a ainsi plus de simple déclaration de l’exercice d’une liberté reconnue par la constitution et les traités internationaux. Cela reviendrait à une autorisation préalable d’être libre. Or, une liberté par définition ne peut pas être soumise à une autorisation préalable. Dans un véritable État de droit, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé et non pas l’inverse. Un certain nombre d’amendements reviennent exactement à la position de madame Vallaud-Belkacem censurée par le Conseil constitutionnel et cela nous inquiète.
Cela vous étonne-t-il que Jean-Michel Blanquier reprenne la position de madame Vallaud-Belkacem ?
Ce n’est pas lui qui a repris la thématique, mais le sénat qui s’en est emparé. Ce projet est certes soutenu par le ministre, mais il n’en est pas à l’initiative. Il est à l’initiative de l’UDI. Certains élus ont toujours cette volonté de contrôler. Nous sommes dans un pays qui produit beaucoup de normes, de droits et de règlements. C’est une tradition française qui est partagée par beaucoup.
Si j’ai bien compris, le point de départ de l’inquiétude de l’UDI est la possibilité d’ouverture d’écoles radicalisantes et auxquelles les collectivités locales ne pourraient pas s’opposer. Le délai alloué serait trop court. On ne peut que reconnaître que 8 jours pour analyser un dossier est un peu court. On pourrait allonger le délai à un voire deux mois. Si tous les délais confondus, entre le rectorat, la préfecture, le procureur de la République, les services de l’urbanisme, ne dépassent pas trois mois et que l’on n’empile pas les délais les uns au-dessus des autres, cela me paraît tout à fait raisonnable. Nous y sommes tout à fait favorables.
Par ailleurs, décider qu’une école soit aujourd’hui dirigée par des personnes qui ont au moins une licence au lieu du baccalauréat nous paraît également raisonnable. En 1850, il ne devait y avoir qu’une dizaine de milliers de bacheliers en France alors qu’ils sont quelques millions aujourd’hui. Une licence est à peu près l’équivalent en matière de niveau de connaissance qu’un baccalauréat il y a une centaine d’années.
Mais cela ne doit pas constituer une opportunité très malfaisante, comme nous le constatons sur certains amendements, pour revenir sur une autorisation préalable à l’exercice d’une liberté fondamentale.
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