C’est en 2002 que Michel Onfray créa l’Université populaire de Caen. Cette année-là, Jean-Marie Le Pen accédait au second tour de l’élection présidentielle. Le philosophe y vit un danger et voulut lutter contre les idées du Front national. Il ne le fit pas à la manière des antifas, par l’usage de la violence pour empêcher leur expression. Il ne le fit pas à la manière de certains médias, en les censurant dans leurs colonnes ou sur leurs antennes. Il ne le fit pas à la manière des politiques, en gesticulant contre un fascisme fantasmé tout en espérant en tirer profit. C’est par les idées que l’on combat les idées.

Pendant seize ans, il donna des conférences ouvertes à tous dans ce cadre. On peut ne pas être d’accord avec lui, on ne peut que saluer la démarche.

Cette démarche semblait également pertinente à France Culture. La radio de service public n’a-t-elle pas, dans son ADN, le débat ? Il faut aussi reconnaître qu’elle est très à gauche (comme la plupart des médias officiels). Aussi, depuis plusieurs années, diffusait-elle, l’été, les conférences que Michel Onfray donnait à cette université populaire.

Mais un vrai penseur - ce qu’est, indéniablement, Onfray - pense. Et la pensée est libre et vivante. Aussi en est-il venu à se rendre compte que le danger venait moins du FN, épouvantail pratique pour les partis dominants, que de la bien-pensance libérale qui a tendance, aujourd’hui, à devenir totalitaire. On se souvient de sa sortie contre BHL, le « philosophe » de ceux qui ne savent pas enchaîner plus de deux idées, à propos de la Libye (« Les cons, ça ose tout »). On sait moins qu’il vint débattre avec Alain de Benoist sur TV Libertés (de Proudhon). Non pas qu’il fût d’accord avec lui, mais parce qu’on ne débat qu’avec des gens qui ne sont pas d’accord avec vous. Depuis l’élection de Macron, il ne se prive pas de dire tout le mal qu’il pense du Président jupitérien, sur sa chaîne Internet et ailleurs.

Cela n’a visiblement pas eu l’heur de plaire. France Culture a décidé de ne plus rediffuser les conférences de Michel Onfray. Le prétexte est qu’il n’est pas légitime de ne diffuser qu’un seul essayiste. Rien ne les empêchait d’en diffuser d’autres. Même si le paysage intellectuel français est sinistré, il reste encore quelques intellectuels de bon niveau. Mais il est vrai qu’ils sont le plus souvent critiques envers le pouvoir et pas toujours de gauche. Problème. Surtout, cela ne justifie pas la manière de notifier l’ostracisme par courriel à l’éditeur du philosophe. Quand on a un peu de courage et de savoir-vivre, on en parle directement à l’intéressé.

Ce qui est grave, dans cette histoire, c’est qu’Onfray n’est pas un cas isolé. Frédéric Taddeï, exilé sur RT, Zemmour interdit d’antenne sur France 2 (du moins chez Ruquier), les esprits libres, de gauche ou de droite, sont interdits de service public. Qui sera le prochain ?

La presse est aux mains de quelques millionnaires, soutiens de Macron (à moins que ce ne soit l’inverse). Le service public est mis au pas. En douceur, nous entrons dans le Meilleur des mondes.

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30 septembre 2018 à 16:50

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