On apprend que Carlos Ghosn, le PDG de l'empire automobile Renault-Nissan-Mitsubishi, vient d'être arrêté au Japon, soupçonné de dissimulation de revenus. D'après le président exécutif de Nissan, il aurait volontairement minimisé de moitié sa rétribution entre 2011 et 2015 et aurait utilisé des biens de l'entreprise à des fins personnelles. Fraude fiscale et abus de biens sociaux, ce ne sont pas, en France comme au Japon, de minces accusations. Mais, au-delà de l'affaire judiciaire et de ses conséquences économiques, c'est la puissance de l'argent et le sentiment d'impunité qu'il procure qui sont ici mis en cause.

Carlos Ghosn correspond bien au premier de cordée que Macron aime à donner en exemple. Il a, effectivement, redressé les entreprises française et japonaise, mais monnayait cher ses services : « un pognon de dingue », comme disait notre Président à propos du coût des minima sociaux. Ces dernières années, le conseil d'administration ne se gênait pas pour faire fi du vote de l'assemblée générale, voire des actionnaires, qui souhaitaient limiter le montant de sa rémunération. Il était, ou se croyait, tout-puissant.

Mais voici qu'il est tombé de son piédestal. Peut-être l'y a-t-on aidé, en le poussant un peu. L'enquête judiciaire nous éclairera sans doute. Encore que, quand il y a beaucoup d'argent en jeu, toutes les informations ne sont pas révélées au grand jour. En attendant, les actions de Nissan et de Renault sont en baisse, Nissan doit officialiser le limogeage de Carlos Ghosn et nommer un nouveau président, Bruno Le Maire et Emmanuel Macron affirment qu'ils mettront tout en œuvre pour assurer la stabilité de Renault et l'avenir de son alliance avec le groupe japonais. Si son faux pas se confirme, le PDG sera remplacé par un autre premier de cordée, peut-être moins cupide.

Il ne s'agit pas de critiquer la réussite d'un grand patron, fût-ce au prix d'une politique drastique de réduction des coûts et de restructurations, mais de dénoncer les abus d'un capitalisme sauvage qui ne se soucie que de rendement et d'enrichissement. Si, en plus, les patrons se remplissent indûment les poches, on peut comprendre que les ouvriers, qui ont de bas salaires, crient parfois leur colère. Mais cette situation n'a rien de scandaleux dans une optique ultralibérale. C'est un simple dérapage qui n'empêchera pas de garder le même cap, après quelques paroles de contrition. L'argent doit continuer de ruisseler... dans le porte-monnaie des plus riches.

Comment ne pas comprendre qu'il se produise, de temps en temps, des révoltes populaires qui ressemblent à des jacqueries ? Voyez le mouvement des gilets jaunes. Des Français laissés-pour-compte manifestent leur exaspération d'être toujours les dindons de la farce et de se faire plumer plus que de raison. Pour les discréditer, après avoir feint de s'apitoyer et leur avoir promis quelque aumône, on les présente comme de dangereux fauteurs de troubles. Christophe Castaner, hier, en traitait même certains d'« antisémites » et de « racistes » : dans son commentaire, Ruth Elkrief ajouta « homophobes » pour compléter le tableau.

Le gouvernement taxe les Français qui roulent au diesel ou se chauffent au fioul, mais ne trouve rien à redire quand le Premier ministre dépense 350.000 euros pour rentrer plus rapidement et plus confortablement d'une visite en Nouvelle-Calédonie. C'est que les gens d'en haut ne se mouchent pas du pied et ne mélangent pas les torchons et les serviettes. Macron ferait mieux de ne pas céder sans cesse aux puissances de l'argent. Faute de quoi, c'est lui qui dévissera.

5462 vues

20 novembre 2018 à 16:14

Pas encore abonné à La Quotidienne de BV ?

Abonnez-vous en quelques secondes ! Vous recevrez chaque matin par email les articles d'actualité de Boulevard Voltaire.

Vous pourrez vous désabonner à tout moment. C'est parti !

Je m'inscris gratuitement

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.